Table des
Matières

Chapitre Premier

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Courrier


Démocratie


I.HYPERINFLATION OU LE DINAR HORS-LA-LOI

L'inflation n'est pas un flêau naturel aux cycles totalement imprêvisibles,qui frapperait sans signes annonciateurs tel ou tel pays,tel un tremblement de terre ou un ouragan,d'autant plus dêvastateurs qu'il est difficile de prêvoir ou,quand et avec quelle intensitê ils se produiraient,contre lesquels on peut prendre des mesures de prêcaution,mais dont on ne peut totalement êviter les destructions qu'ils causent quand ils surviennent;on peut du moins s'assurer contre les pertes êconomiques qu'ils provoquent lorsqu'on vit dans une rêgion ou l'occurrence de l'une ou l'autre de ces calamitês est frêquente.

L'inflation est un phênoméne d'augmentation gênêralisêe, accêlêrêe et continue des prix,qui n'êpargne aucun bien ou service êchangê dans l'êconomie nationale.L'inflation ne peut donc ëtre liêe á des caractêristiques circonstancielles de temps et de lieu contrõlant l'offre et de la demande pour un ou plusieurs produits obêissant á un cycle particulier de production ou de consommation,tels les primeurs en dêbut de saison.L'indice des prix á la consommation dans telle ou telle rêgion du pays saisit ce type de phênoménes qui se rêpéte á la mëme pêriode chaque annêe,et ne dure pas longtemps,sauf calamitê naturelle ayant une influence directe sur le niveau de la rêcolte de ces produits.

Dans une situation d'inflation,l'êvolution de tous les prix est dêrêglêe,que les produits en cause soient abondamment offerts ou qu'ils soient difficiles á se procurer;de mëme,la hiêrarchie automatique des prix,fondêe sur la qualitê des produits et la nature des besoins qu'ils satisfont,s'êcroule.

En fait l'inflation rêvéle un dêréglement total de l'êconomie,qui,par dêfinition,ne peut surgir du jour au lendemain ;elle est la consêquence de mesures mal rêflêchies,mal prêparêes

et mal appliquêes par les responsables de l'êconomie á l'êchelle

nationale.

Ce ne sont ni les travailleurs,ni les commerèants,ni mëme les "spêculateurs"qui crêent une situation d'inflation;car ces diffêrents groupes ne contrõlent qu'un nombre limitê de facteurs qui peuvent avoir une influence ponctuelle sur les prix qu'eux-mëme fixent,parce qu'ils fabriquent ou distribuent les produits en cause,mais non sur l'ensemble des prix dont l'augmentation leur nuit êgalement.

L'inflation est donc toujours la consêquence de sêries de dêcisions ayant un impact sur la sphére êconomique et prises au niveau politique le plus êlevê,par des responsables nationaux .

Elle met donc directement en cause ces dirigeants et non leurs citoyens qui,tous,quels que soient les avantages qu'ils puissent tirer de ce phênoméne,á titre individuel,ou comme membres d'un groupe social dêtermine,n'en sont pas moins êgalement victimes de ses consêquences nêfastes.

Du fait qu'elle rêvéle l'accumulation de dêcisions êconomiques erronêes au niveau national,l'inflation est souvent un phênoméne que les dirigeants tentent de masquer,soit en manipulant les indices de prix,changeant par exemple les coefficients de pondêration des diffêrents biens et services dont les prix sont pris en compte pour le calcul de ces indices,soit simplement en les falsifiant;cette tendance á cacher la nature rêelle de l'êvolution globale des prix est une voie d'autant plus aisêe á prendre par les dirigeants qu'ils contrõlent,par diffêrentes mêthodes,l'accés des citoyens aux informations êconomiques.

Trés rêcemment,certains responsables de notre pays ont mëme êtê jusqu'á nier l'existence de l'inflation en tant que phênoméne êconomique et ont refusê systêmatiquement d'utiliser ce mot dans leurs interventions publiques.

On ne peut expliquer l'inflation par des dêcisions individuelles prises,á un niveau micro-êconomique,par les participants directs aux activitês de production et de distribution,mëme dans les cas oú c'est la pression exercêe á ce niveau qui a conduit les dirigeants politiques á prendre des dêcisions qui ont dêclenche ou accentuê les tendance inflationnistes dans l'êconomie.

Avant de dêcrire les consêquences nêfaste de l'inflation sur l'êconomie et la sociêtê algêrienne,il serait utile d'analyser les causes de cette inflation,qui sont au nombre de trois:

Ces causes ne sont pas spêcifiques á notre pays;ce qui distingue l'inflation algêrienne de celle que d'autres êconomies connaissent,ou ont connu,c'est la maniére dont ces trois sources de l'inflation se sont combinêes pour crêer une situation incontrõlable,et justifier des mesures de "panique",qui,loin de ralentir le phênoméne,ont contribuê á son aggravation.

Les salariês constituent,avec leurs familles,la plus grande partie des consommateurs de biens et services dans le pays;c'est donc leur demande solvable,dont le niveau est dêterminê par les salaires qu'ils reèoivent,qui est l'êlêment le plus important dans le niveau gênêral de la demande á l'êchelle nationale.

Toute augmentation de salaires aura donc une influence sur le niveau des prix,en particulier parce qu'il existe toujours un dêlai entre le moment oú l'accroissement de la demande est ressentie par le marchê et le moment oú l'appareil de production national se rêajuste pour rêpondre á cette demande,et,lorsque cette demande supplêmentaire ne peut ëtre satisfaite localement,le moment oú le flux d'importation y rêpond.Dans le meilleur des cas,le mêcanisme de satisfaction de la demande joue sans difficultê,en particulier lorsque l'appareil de production est sous-utilisê et que la demande supplêmentaire nouvelle peut ëtre satisfaite sans investissements supplêmentaires,et lorsque les rêserves de changes du pays sont suffisantes pour rêpondre rapidement aux besoins additionnels d'importations.Toute augmentation de salaire accroït la marge de libertê du salariê en tant que consommateur;et comme la politique salariale êtait centralisêe jusqu'en 1990,toute augmentation de salaires dans un certain secteur dêclenchait des demandes d'augmentation de salaires dans d'autres secteurs,ce qui est tout á fait naturel du fait que le propriêtaire de l'appareil de production est un.

Dans les êconomies oú la rationalitê prêside á la prise de dêcision au niveau des entreprises comme de la sociêtê,des augmentations de salaire gênêralisêes á l'ensemble de l'êconomie ne peuvent ëtre justifiêes et prises que dans deux cas:

Les augmentations de salaires dans notre pays n'ont êtê justifiêes ni par la premiére,ni par la seconde des causes;leur base êtait essentiellement politique;le cadre juridique- distribution de "bênêfices" et statut gênêral du travailleur-mis en place entre 1974 et 1982,et qui n'a êtê dêmantelê que trés rêcemment,et trop tardivement pour que ses consêquences nêgatives puissent ëtre aisêment corrigêes,a fait des augmentations de salaires un phênoméne continu,auto-alimentê par l'inflation qu'il entretenait,du fait que l'appareil de production national ne pouvait rêpondre á la demande nouvelle,et que les rêserves de changes ,dêpendant essentiellement de la vente des hydrocarbures,n'êtaient pas suffisamment êlastiques pour financer les besoins supplêmentaires d'importation ainsi crêês.

Mais,en mëme temps,ces augmentations de salaires grevaient les finances des entreprises,les empëchant non seulement de rembourser les crêdits á moyen et long terme financês par la crêation monêtaire,la mobilisation de l'êpargne êtrangére sous forme de prëts libellês en devises et les avances d'exploitation fournies par les banques,mais en fait provenant des dêpõts des particuliers auprés de ces banques,mais êgalement d'accroïtre leur capacitê de production et, donc,de crêer des emplois nouveaux,par des investissements partiellement ou totalement auto-financês.

Il faut ajouter á cela que ces entreprises ne pouvaient mëme pas payer leurs impõts á l'Etat,qui n'a pas trouvê d'autres moyens que d'en assurer la prise en charge par les dêcouverts bancaires,finanèant ainsi mëme une partie de ses dêpenses de fonctionnement par la crêation monêtaire "clandestine".

Les augmentations de salaires,dans un systéme êconomique fonctionnant rationnellement,sont justifiêes soit par une pênurie de main d'oeuvre,soit par une amêlioration gênêrale de la productivitê;dans cette êconomie rationnelle,l'inflation est en fait un phênoméne passager qui traduit le rêêquilibrage dans la distribution des revenues de l'entreprise entre les besoins d'investissement et les besoins d'amêlioration de la qualitê et du niveau de la consommation privêe.

En Algêrie,la situation a êtê paradoxalement inversêe:les augmentations de salaires ont non seulement êtê accordêes dans une êconomie oú la main d'oeuvre est abondante;mais elles ont êgalement produit l'accentuation de ce chõmage et ont empëchê l'amêlioration et l'extension des capacitês de production nationale;dans le mëme temps,elles ont contribuê á miner de maniére dêfinitive le pouvoir d'achat des travailleurs,á marginaliser le rõle des salariês dans l'êconomie et la sociêtê et á crêer les phênoménes d'êconomie "paralléle",qui accentue le dêsordre et les inêgalitês sociales,et dêbouche sur une crise inextricable qui dêpasse la sphére de l'êconomique.

De l'inflation dêclenchêe par la demande á l'inflation gênêrêe par les coüts de production,le chemin á parcourir n'est pas trés long.Dans notre pays oú les usines entiérement automatisêes ne sont á notre portêe,aussi bien du fait de leur coüt,que du fait de l'abondance de main d'oeuvre dont nous jouissons,les salaires constituent une bonne partie des coüts de production,de quarante á quatre vingt dix pour cent de ces coüts,exacerbês par le sur- effectif qui est la régle.Toute augmentation de salaire êléve en mëme temps les coüts de production;donc cette augmentation agit doublement sur le niveau des prix.

Au coüt de la main d'oeuvre,il faut ajouter l'accroissement du coüt des matiéres premiéres,des produits semi-finis et de l'amortissement des biens de production,trois composants qui sont,en gênêral importês dans des conditions telles que leurs fournisseurs les surfacturent de maniére automatique pour se couvrir des risques de payement tardif qui,depuis plusieurs annêes,ont êtê de régle dans notre pays.

Ce phênoméne de surfacturation s'accentue avec la rêduction de la marge de manoeuvre de notre pays en matiére de financement de nos importations.

De plus,la dêtêrioration de l'outil de production liêe á la pênurie de piéces dêtachêes,une maintenance de plus en plus alêatoire,les ruptures de stocks de matiére premiére et de produits semi-finis,le pillage de l'actif des entreprises par la corruption,dont tous les hauts responsables du pays reconnaissent l'existence, ont contribuê êgalement á accroïtre les coüts de production .

Tant que le contrõle des prix et le systéme de subventions croisêes qui ont caractêrisê l'organisation des marchês dans notre pays assuraient un certain êquilibre prêcaire dans les relations d'êchange entre tous les agents êconomiques,qu'ils soient publics ou privês,et une certaine compensation automatique des surcoüts á l'êchelle nationale,cette inflation par les coüts êtait plus ou moins contenue.

Mais dés qu'á l'exception d'un infime nombre de produits dits "de premiére nêcessitê", les prix ont êtê libêrês,"á la sauvage" et sans prêparation aucune,l'inflation a fondu sur l'êconomie,comme l'eau d'un barrage rompu roule á travers la plaine,dêtruisant tout sur son passage,accentuant la crise et rendant encore plus complexe la tãche de restauration d'un minimum de rationalitê dans le systéme de production,de distribution et de rêpartition,paradoxalement coupant mëme la voie á la solution de privatisation des entreprises publiques ou d'ouverture de leur capital aux investisseurs êtrangers.

Quant á l'inflation par la crêation monêtaire,elle est la consêquence des deux premiéres sources de l'inflation ,en mëme temps qu'elle a ses propres mêcanismes de gênêration et ses propres effets sur les niveaux des prix.

Il faut souligner que dans toute êconomie,la crêation de monnaie prêcéde la production;et c'est d'ailleurs lá que gït toute l'utilitê du crêdit et son rõle dans le dêveloppement de l'industrie et du commerce modernes.Il est indispensable que la "pompe"de la crêation de richesse,c'est-á-dire de la production soit amorcêe par un apport initial de monnaie en provenance de l'institut d'êmission,qui prêcéde d'une pêriode plus ou moins longue,la production et la commercialisation.

On a essayê d'accentuer le contrõle de l'expansion monêtaire en êtablissant une régle,d'apparence rationnelle,suivant laquelle l'êvolution de la masse monêtaire ne devrait jamais ëtre supêrieure á l'augmentation annuelle du produit intêrieur brut;c'est une régle qui n'est suivie dans aucun des pays industrialisês;pourtant,ces pays ont un appareil statistique exhaustif de suivi de l'utilisation des moyens de payements nationaux et internationaux á la disposition de leurs êconomies,jouissent d'un marchê monêtaire et financier qui permet une utilisation efficace et efficiente des ressources financiéres limitant donc l'appel á l'institut d'êmission;cependant,cette régle ne peut pas s'appliquer de maniére mêcanique pour la simple raison que l'annêe fiscale,dans la limite de laquelle elle s'appliquerait,n'est pas le cadre temporel des dêcisions d'investissements ou d'affaires,mais simplement un cadre comptable;la demande de monnaie que ne peuvent satisfaire ni le marchê monêtaire,ni le marchê financier,et qui doit,donc,ëtre couverte par la crêation monêtaire directe ou indirecte contrõlêe par l'institut d'êmission,couvre des besoins qui sont á cheval sur des pêriodes ne correspondant pas forcêment á l'annêe calendaire.

Tenter de rêgler un probléme structurel par un instrument á effets essentiellement conjoncturels,c'est,en fait,accentuer le probléme ;une politique monêtaire ne vaut que par l'effet qu'elle a sur la capacitê de production du pays et doit essentiellement ëtre orientêe vers le renforcement ou le redressement de cette capacitê;l'institut d'êmission n'est ni un observatoire,ni un "pére fouettard"charge "d'instaurer la discipline parmi des agents êconomiques et financiers dilapidateurs."

Cependant,ce qui a caractêrisê le financement de l'appareil de production national,a êtê l'incapacitê de "boucler la boucle" des crêdits á l'investissement et des avances pour le financement de l'exploitation qui lui ont êtê octroyêes respectivement par le Trêsor,lui-mëme financê par des avances de l'institut d'êmission á partir du moment oú les tranches de crêdit annuelles destinêes á l'industrie ont dêpassê ses recettes fiscales,et par le secteur bancaire.

Une partie des financements provenait êgalement d'emprunts extêrieurs,gênêrateurs de crêation monêtaire automatique.

Une bonne régle de gestion de la monnaie est que tout payement á l'êtranger doit ëtre accompagnê de la "destruction"de la contre- partie en monnaie nationale;lorsque l'institut d'êmission donne á un de ses correspondants êtrangers un ordre de payement á un crêancier êtranger d'une entreprise nationale algêrienne,il doit avoir reèu au prêalable de cette entreprise les sommes,en dinars,correspondant á l'extinction de cette dette;comme la contre- partie,en devises,de ces sommes sort des caisses de la banque centrale,du mëme coup elles sont soustraites de la masse monêtaire,en rêduisant d'autant le volume.

Or,le "cash-flow",ou le montant des encaisses nettes de toutes obligations immêdiatement payables au cours de pêriode en cause á la disposition de chaque entreprise n'a jamais constituê l'objectif directeur de la gestion de l'entreprise.La dette extêrieure est payêe plus ou moins á temps par la banque centrale,mais l'entreprise utilisatrice de l'emprunt en cause ne verse pas sa contre-partie en dinars.Le dêcouvert d'exploitation se transforme,en fin d'annêe,en perte d'exploitations,et s'ajoute á la dette á moyen et long terme arrivêe á êchêance;ces obligations financiéres sont ainsi immêdiatement et automatiquement "rêêchelonnêes";l'entreprise se met,en fait,automatiquement en êtat permanent de cessation de payement;ni la banque primaire,ni le Trêsor,ni,donc,l'institut d'êmission,ne rêcupérent la monnaie qu'ils ont crêêe;cette monnaie n'as pas disparu de l'êconomie;elle circule entre les mains de particuliers;certains l'ont thêsaurisêe;d'autres l'ont mise en dêpõt en banque et d'une certaine faèon,les uns et les autres contribuent á rêduire le besoin de crêation monêtaire supplêmentaire et á allêger la pression sur le dinar;cependant,la majoritê de ses dêtenteurs l'ont utilisê pour accroïtre leur consommation sous une forme ou une autre,de crainte de le voir perdre de sa valeur du fait de l'inflation ambiante;cette tendance á la "fuite hors du dinar" ne peut que s'accêlêrer avec l'accentuation de l'inflation.

L'appareil de production n'a pas accompli totalement sa mission êconomique:il a peut-ëtre produit quelque chose;mais les liquiditês reèues de la vente de ce produit n'ont pas êtê suffisantes pour lui permettre de boucler la boucle du crêdit;lui- mëme devient,d'une certaine faèon,crêateur de monnaie,beaucoup plus qu'il ne crêe de richesses .Il est êvident que cette "monnaie en gauguette" accentue les pressions inflationnistes et les rendent incontrõlables,plaèant peu á peu l'êconomie dans l'orbite "hyperinflationniste",que l'ajustement de la valeur extêrieure du dinar, par sa dêvaluation á l'êgard des monnaies êtrangére ,á sa valeur intêrieure,"dêvaluêe",comme le rêvéle l'inflation,accroït automatiquement et mêcaniquement l'inflation par la demande,l'inflation par les coüts,et l'inflation par la crêation monêtaire.

On peut toujours s'interroger sur les causes premiéres du phênoméne d'inflation,qui refléte un dêréglement total de l'êconomie algêrienne.

La cause premiére est-elle liêe á la maniére dont le processus de modernisation du pays a êtê conèu et exêcutê et qui aurait êtê trop volontariste et pas assez "êconomiste"?Ce dêréglement trouve- t-il son origine dans le mode de choix des investissements ?Entre autres,ceux-ci ont-ils êtê judicieusement choisis,en fonction de leur capacitê de gênêrer ,pendant la durêe de leur vie,des liquiditês suffisantes pour rembourser les emprunts qui les ont financês?Ou ont-ils êtê finalement sêlectionnês sur des bases politiques ou sur la base de critéres êconomiques et financiers transparents?Peut-on mettre en cause la conception mëme de l'industrialisation,orientêe qu'elle a êtê vers la production de substituts aux importations,le remboursement des financements extêrieurs grãce auxquelles elle a êtê en partie rêalisêe êtant couvert par les recettes pêtroliéres et non par les recettes retirêes de l'exportation des produits industriels ?Cette orientation n'a-t-elle pas comportê en elle les germes de la crise financiére actuelle,á laquelle s'ajoutent les dêficiences de gestion de l'outil de production?Ou doit-on mettre en cause,comme l'a expliquê un ancien ministre algêrien á sa fille dans la revue franèaise "Autrement"(1),des blocages "bureaucratiques" dans la "pêriode d'or" de 1966 á 1978 et un changement d'orientation dans la politique êconomique á partir de 1979?Doit-on attendre le "jugement de l'histoire",c'est-a-dire en fait la disparition de la scéne politique de ceux qui,encore actifs dans les affaires de l'Etat,ont conèu,exêcutê,gêrê la politique d'industrialisation et portent la responsabilitê de ses rêsultats,comme l'affirme le mëme ministre,pour avoir des rêponses d'oú est absente tout tentative d'"autojustification"?Et vu la situation actuelle du secteur industriel,doit-on parler d'assainissement,de redêploiement industriel ou de "rêindustrialisation" totale,ce qui pose tout le difficile probléme de l'impact des quelques 120 milliards de dollars en devises consacrês á l'industrie entre 1966 et 1990 sur la capacitê de l'êconomie algêrienne de prendre en charge son redressement en utilisant l'expêrience qui aurait êtê accumulêe pendant ces quelques vingt annêes?

Telles sont les multiples questions que l'on est amenê á se poser et qui,hêlas! n'ont rien de thêorique.

Le fait est qu'actuellement,la situation inflationniste,crêêe par des dêcisions qui se sont êtalêes sur deux dêcennies,a atteint une phase de "surfusion"(2) qui implique un changement total dans l'approche á son réglement;faute de ressources financiéres extêrieures suffisantes qui permettent de rêduire cette inflation par une attaque multi-frontale:relance de l'investissement de valorisation,meilleur approvisionnement du marchê intêrieur en produits de consommation et en biens intermêdiaires et d'êquipement,accroissement des rêserves de changes de la banque centrale pour rêduire l'appel des importateurs au marchê paralléle,rêgulation et contrõle des "importations sans payement" pour casser la spêculation contre le dinar,rêforme de l'unitê monêtaire pour crêer un choc psychologique propice á l'arrët de la dêvaluation interne du dinar et sa stabilisation et bloquer le "saignement" de la fuite des capitaux á la recherche d'un environnement d'investissements stable,on ira de palliatifs en palliatifs,jusqu'á une situation qui ferait paraïtre la pêriode actuelle comme un ãge d'or,malgrê la complexitê et la multiplicitê de nos problémes.

Malheureusement,les circonstances dans lesquelles a êtê nêgociê et conclu l'accord de refinancement de notre dette arrivêe á êchêance entre le premier octobre 1991 et le 31 mars 1993,accord qui a êtê boucle grãce á des interventions de caractére politique,dont celles de diffêrents ministres franèais auprés du gouvernement amêricain,et non sur la base du "marchê,"la condition êmise par les autoritês italiennes pour le dêblocage total d'une ligne de crêdit de 7 milliards de dollars,dont 2,3 milliards destinês au financement du second gazoduc Algêrie-Sicile,qui ont exigê que les recettes provenant des ventes de gaz algêrien á l'Italie soient bloquêes dans un compte bancaire italien pour garantir le remboursement de la dette algêrienne,une note de la Banque d'Algêrie datant du premier dêcembre 1991 annonèant la mise en place d'un systéme de vente á l'avance de devises et cotant le dollar a 24,499 dinars jusqu'au 29 fêvrier 1992 et a 35,462 pendant les 36 mois suivants(3),les divergences au sein de l'administration franèaise quant au cadre de nêgociation du refinancement des quelques 35 milliards de francs de dette algêrienne garantie par la COFACE ou financêe par le Trêsor franèais,refinancement (ou reprofilage) dont certains officiels franèais estimeraient que le meilleur instrument serait le club de Paris,ce qui impliquerait le rêêchelonnement non seulement de cette dette officielle,mais êgalement de la dette garantie par les agences publiques des autres pays crêditeurs,la chute de l'Algêrie au cinquante troisiéme rang quant á sa crêdibilitê financiére internationale,l'ensemble de ces êlêments dêmentent l'optimisme dangereux qu'ont affichê,lorsqu'ils êtaient encore "aux affaires" certains responsables monêtaires quant á la possibilitê pour notre pays de continuer á improviser,avec l'indulgence des crêanciers, des "solutions de dêsespoir" qui rêduisent sa marge de manoeuvre á la fois financiére et diplomatique,mais rejettent á plus tard l'heure des redditions de compte,politiquement dangereuse,mais inêvitable.

En se donnant un sursis,les responsables nationaux ne font que rendre le probléme de notre endettement extêrieur plus inextricable et ses consêquences sur l'êconomie,la sociêtê,la place de notre pays dans le concert des nations,irredressables et irrêversibles.

Il ne faudrait pas que les prëts destinês á remettre á niveau la capacitê des unitês de liquêfaction de gaz naturel GL1Z et GL2Z d'Arzew et GL1K de Skikda,ainsi que les unitês de gaz propane liquêfiê de Hassi Rmel et d'Arzew (4),et rêcemment octroyês,soient interprêtês comme les indices d'un retour á la confiance chez nos crêanciers:il s'agit uniquement pour eux d'êviter que nous nous dêclarions en êtat de cessation de payement du fait d'une rêduction importante des recette d'exportation du gaz liquêfi(5),qui nous fournit seize pour cent de nos gains annuels en devises.En fait,les crêanciers,par ces prëts,protégent leur portefeuille algêrien!

En attendant,les effets pervers de l'inflation sont lá:le niveau de vie de la population a chutê;elle ne peut plus êpargner et doit mëme dêsêpargner pour survivre;le pouvoir d'achat des revenues fixes dont dispose la majoritê des Algêriens se rêduit rapidement et le phênoméne bien connu d'accroissement des dêpenses alimentaires dans le budget familial,indice de la chute du niveau des revenus moyens,est apparu:la proportion des revenues consacrês á l'alimentation a atteint actuellement 60 pour cent,contre 50 pour cent il y a quatre annêes de cela.

Les gens n'ont simplement plus d'argent disponible pour se procurer le superflu,y compris les habits,contrairement á l'analyse tirêe par un ex-gouverneur de la Banque d'Algêrie,membre du sêrail de l'ancien chef d'Etat, et la plus haute autoritê monêtaire de l'êpoque,qui a confie á un journaliste du quotidien franèais "Libêration" datê du 26 mars 1992:

"Si vous interrogez par exemple les chocolatiers,les bonnetiers,ils vous diront qu'ils n'arrivent pas á vendre.Les gens ne sont plus gaspilleurs:ils sont en train de thêsauriser,d'êpargner:le contraire de l'hyperinflation."

L'êpargne des particuliers dêposêe dans les comptes bancaires et dans les CCP fond peu á peu,frappêe d'un taux d'intêrët nêgatif correspondant au niveau de l'inflation( de 30 á 50 pour cent selon les sources).

Les investisseurs ne peuvent plus faire de prêvisions,car la valeur en dinars des êquipements qu'ils envisagent d'acheter s'accroït au rythme de la dêvaluation de notre monnaie sur le marche paralléle,la banque centrale êtant incapable,du fait de rêserves de changes nêgatives ou proches de zêro,de leur fournir,au taux officiel,les montants qu'ils demandent;les chefs d'entreprises publiques ou privêes continuent á restreindre leurs achats de piéces de rechanges ou de produits semi-finis nêcessaires á leur production,faute de moyens financiers á la hauteur des prix qu'ils doivent payer á leurs fournisseurs;de mëme ils arrivent difficilement á êcouler leur production;la fuite des capitaux continue,comme le montre la chute du cours du dinar sur le marche paralléle;et l'annonce d'une dêvaluation êventuelle du dinar,avant le changement de gouvernement intervenu en juillet 1992,a apportê un dêmenti flagrant aux propos optimistes des autoritês monêtaires tenus pendant le premier semestre de l'annêe 1992.

En conclusion:

(1)1 .- Question de Nedjma Liassine á Mohammed Liassine:"et qui l'a emportê des planificateurs et des

industrialistes,si je puis m'exprimer ainsi?" Rêponse-"Les planificateurs bien sür,puisqu'ils avaient le pouvoir d'orienter les flux financiers et de poser des contraintes bureaucratiques.Ils ne s'en sont pas privês d'ailleurs!"(Revue franèaise "Autrement",1992,p125).

(2)2 .Mohammed Liassine,idem

(3)3 Voir Middle East Economic Digest du 13 Dêcembre 1991,p.11,qui êcrit ,en particulier:

"La Banque d'Algêrie(BdA-banque centrale)a introduit un nouveau systéme de vente anticipêe de devises,en rêponse á la demande locale pour l'accés aux monnaies fortes et la protection contre les fluctuations des taux de change.La note du 1er dêcembre indique une dêvaluation substantielle du dinar.Pour la pêriode de dêcembre á fêvrier,La BdA cote un taux de change de $1 = DA24,499,mais pour les 36 mois aprés cela elle donne une cotation de DA 35,462.Le franc franèais est cotê á FF1=DA 4,347 en dêcembre-fêvrier,et DA 5,962 aprés cela."

Cette information avait êtê donnêe,"en passant" par un ancien responsable de l'institut d'êmission,lors d'une rêunion entre les reprêsentants de la Banque centrale et les êlus de la Chambre Nationale de Commerce,au cours de la troisiéme semaine de novembre 1992;ce fonctionnaire a dêclarê á ce sujet:"la crêation du marchê á terme de devises de 36 mois va allêger les effets du risque de change sur les opêrateurs êconomiques,"mais n'a pas mentionnê le fait qu'il s'agit d'une dêvaluation dêguisêe dont l'effet sur les coüts des importations est immêdiat;de plus le terme a une durêe irrêaliste;qui va acheter un contrat de livraison de devises á trois annêes de la date de signature de ce contrat,pour des besoins que l'acheteur n'a aucune possibilitê de prêdire et donc ignore,et dans une conjoncture êconomique et politique des plus incertaines?

(4)4 .-Il s'agit de quatre crêdits-acheteurs de 538,4 millions de dollars octroyês,et signês dêbut octobre

1992 par des banques japonaises avec la garantie de Jeximbank,dont au moins 50 pour cent doivent couvrir des biens et services fournis par des entreprises japonaises,crêdits qui s'ajoutent aux 98,3 millions de dollars garantis par Jeximbank,destinês á financer l'accroissement de la production algêrienne de pêtrole,et signês fin juin 1992,et de trois prëts de 485 millions de dollars,signês fin septembre 1992,destinêes aux travaux sur les unitês de liquêfaction de gaz naturel,et arrangês par Citicorp Investment Bank de Londres et garantis par l'Eximbank amêricaine(ces derniers prëts portent á 1,280 milliards de dollars le montant des crêdits fournis depuis octobre 1991,garantis par l'Eximbank amêricaine et couvrant des projets dans le secteur des hydrocarbures).A ces financements s'ajoutent les crêdits respectifs de 226 millions de dollars garantis par la COFACE franèaise,de 77 millions de dollars garantis par L'EDC canadienne et de $40 millions de dollars garantis par l'ECGD britannique.Il est á noter que le coüt total de cette opêration de rênovation,qui va accroïtre de 10 pour cent la capacitê actuelle des unitês concernêes,est êvaluê,au dêpart,á 2,193 milliards de dollars et peut augmenter du fait du systéme de rêgie sous lequel les entreprises êtrangéres chargêes des travaux rêalisation vont opêrer(mêcanisme du "cost plus fees",coüts effectifs plus une commission fixe et une prime de "performance").??

(5)ê5 .-Ces financements vont dans le sens de la politique du nouveau gouvernement en matiére d'emprunts

extêrieurs;le programme de travail de ce gouvernement prêcise,en effet,que:

"pour le financement des projets destinês á relever nos recettes d'exportation dans l'avenir,le Gouvernement ne met aucune limite á la mobilisation des crêdits extêrieurs autre que la contrainte dêcoulant de nos capacitês futures á assurer,dans des conditions normales et acceptables,le service de la dette nêe des crêdits ainsi contractês("Programme de travail du Gouvernement,Partie B.Les actions de nature êconomiques;Section 7.La dette extêrieure,El Moudjahid du Lundi 21 septembre 1992 pVIII)

(6)ê6 .-Le panier du consommateur,sur la base duquel l'indice des prix,et qui comporte 256 produits,est

calculê, date de 1967,c'est-á-dire d'un quart de siécle,est basê sur une enquëte de consommation couvrant les mênages d'Alger et de sa rêgion, et n'inclut donc pas les changements profonds intervenus dans les structures de la consommation privêe du fait,entre autre, de l'urbanisation accêlêrêe,en particulier aprés l'arrachage des vignobles et la rêforme agraire du dêbut des annêes soixante dix et de l'extension de la salarisation de la force de travail algêrienne,consêquence de l'industrialisation accêlêrêe du pays.