Table des
Matières

Chapitre Premier

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Courrier


Démocratie


V. DÊVALUER POUR RELANCER L'ECONOMIE,UNE ILLUSION ?

Il est utile de tenter de dresser un bilan de la politique de taux de changes suivie depuis septembre 1990.

  1. Pendant une trés longue pêriode,le dinar êtait sur-êvaluê par rapport á son sous-bassement êconomique,essentiellement le potentiel national de production,la productivitê de l'appareil de production et le taux d'inflation,facteurs qui s'entre- influencent;du fait de cette sur-êvaluation,la politique dêclarêe de "substitution de la production nationale aux importations" a êtê battue en bréche;les importations de main d'oeuvre et de biens et services de l'êtrangers êtaient rendues moins coüteuses que la main d'oeuvre et les productions algêriennes;on peut laisser de cõtê les effets nêgatifs de cette sur-êvaluation sur le potentiel d'exportation du pays,parce que la prêoccupation de conquëte des marchês extêrieurs,citêe "au passage"(1) dans les documents officiels,n'a jamais êtê majeure et que les industries crêêes êtaient conèues et dimensionnêes pour la production nationale.Cette politique de sur-êvaluation visait á protêger le marchê intêrieur contre l'inflation "importêe;"c'êtait lá un objectif louable;mais il a êtê poursuivi au dêtriment de la politique proclamêe de substitution des produits nationaux aux importations ;la sur- êvaluation du dinar,poursuivie "avec dêtermination" pendant prês de trois dêcennie, n'a pas peu contribuê,donc,aux problémes du secteur productif,reflêtês par l'êtat dêsespêrê et inextricable des finances de ce secteur;
  2. La libêralisation partielle des importations,appliquêe á partir de 1982,a abouti á la constitution d'un marchê paralléle oú le dinar s'achetait et se vendait á des taux de loin infêrieurs á celui du marchê officiel;pendant plusieurs annêes,les devises achetêes sur la marchê paralléle ont servi essentiellement au payements d'importations de produits de consommations de faible valeur.Ce n'est qu'en 1990 que ce marchê a pris de l'ampleur,lorsque les autoritês politiques de l'êpoque ont dêcidê,pour des motifs á la fois politiques et financiers,de mener une politique de laisser-faire en matiére d'importations;
  3. Les participants á ce marchê paralléle,êtaient-et demeurent- müs par l'esprit de spêculation,c'est-á-dire l'exploitation des occasions de gagner rapidement de l'argent en profitant des pênuries crêês par le fait que les autoritês monêtaires ne pouvaient fournir,en montant et en diversitê,les devises nêcessaires pour couvrir les importations passant par les canaux lêgaux;de plus,c'êtait-et c'est encore-un marchê

totalement opaque,dont les acteurs ne sont pas connus,et pour lequel il n'existe aucune statistique prêcise;il êchappe aux contrõles officiels,qui ne peuvent en saisir l'importance qu'au moment oú les importations payêes par des devises achetêes sur ce marchê traversent "lêgalement" les frontiéres nationale;

4.L'extension de ce marchê a facilitê la fuite de capitaux nationaux vers l'êtranger et les pressions á la hausse du prix de l'immobilier,prix dêjá trés êlevê du fait du dêsêquilibre structurel,entretenu par la forte croissance dêmographique, entre l'offre et la demande de logements.Ce marchê,de marginal,est donc devenu un facteur important dans l'êvolution de l'êconomie et une cause additionnelle d'appauvrissement et d'inflation,consêquences prêvisibles,mais, les autoritês êconomiques et monêtaires de l'êpoque n'avaient pas compris toutes les implications de cette politique de "laisser-faire;"

5.Les responsables de l'êconomie avaient acceptê la condition de la Banque et du FMI de libêraliser le commerce extêrieur algêrien dés avril 1991;mais,du fait de la situation de la balance des payements,la banque centrale n'avait pas les moyens de fournir aux importateurs passant par les canaux bancaires officiels les devises leurs permettant de payer leurs importations;cela signifiait que le marchê paralléle êtait,de maniére explicite,officialisê comme source de devises "lêgitime et lêgale;"faut-il souligner les limites de cette libêralisation du commerce extêrieur dont,mëme pour la partie prise en charge par la banque centrale,la rêussite dêpend de la bonne volontê des crêanciers,qui ne financent nos importations que dans la mesure oú leurs êconomies en bênêficient?Par exemple,l'Algêrie avait-elle un besoin si urgent de vêhicules automobiles que le prêcêdent gouvernement a acceptê d'emprunter,avec garantie,200 millions de dollars á un partenaire commercial important pour ... financer les concessionnaires pour la vente de ces vêhicules dans notre pays?

6.La lêgitimisation et la lêgalisation du marchê paralléle êtaient renforcêes par le fait que les mëmes responsables acceptaient de transformer le cours du dinar sur ce marchê en "cours-directeur" auquel le taux officiel de change du dinar êtait liê et vers lequel il devait tendre;en mëme temps,renforèant l'idêe que le cours officiel du dinar êtait son cours sur ce marchê paralléle,des dêclaration rêpêtêes du ministre de l'êconomie de l'êpoque ont fait rêfêrence au fait que la Banque centrale ,dans les cotations du dinar,"suivait le marchê;"á la mëme pêriode,le responsable de l'institut d'êmission proclamait sa volontê de "dêfendre le dinar," sans aucune doute inconscient de la contradiction entre cette proclamation et la politique officielle de laisser les spêculateurs,qui finanèaient des importations marginales et hautement profitables et la fuite

des capitaux,dêcider de cette valeur,qu'ils avaient intêrët á rendre aussi faible que possible,puisqu'elle leur permettait d'accroïtre leurs profits;

7.Consêquence de cette politique de libêralisation anarchique du commerce extêrieur,associêe-et consubstantielle-á l'officialisation du marchê paralléle des changes,les autoritês êconomiques et monêtaires avaient en fait dêcidê que le dinar devait ëtre en voie constante de dêvaluation,au grê des besoins d'importations de biens de consommation ,de transferts illêgaux de capitaux et des ressources en devises disponibles sur le marchê paralléle;en clair,aucun plancher n'êtait fixê pour le niveau minimum au dessous duquel le taux de change du dinar ne pouvait baisser;le processus de dêvaluation devenait ouvert aussi bien en terme de valeur qu'en terme d'horizon temporel;faut-il rappeler que le dollar se vend actuellement á 46 dinars l'unitê sur le marchê paralléle,alors qu'il êtait á 25 dinars en septembre 1990?Il est êvident que cette politique de "guerre ouverte et officielle contre le dinar" a accentuê le phênoméne de transferts illicites de capitaux qui s'ajoutent au service de la dette extêrieure algêrienne,contribuent "á saigner á blanc" l'êconomie et á rendre impossible toute relance de l'investissement ,de la crêation d'emplois et de la production et approfondissent la dêpendance extêrieure,multi-dimensionnelle,du pays;

8.Le processus de dêvaluation devient ainsi auto- entretenu;plus le dinar officiel est dêvaluê,plus sa valeur chute sur le marchê paralléle;c'est lá un phênoméne dont la cause est aisêe á saisir:ou les autoritês monêtaires ont suffisamment de devises pour satisfaire toutes les demandes des importateurs á un certain taux de change stable du dinar;et alors le marchê paralléle n'a plus raison d'ëtre et le dinar n'a pas á ëtre dêvaluê;ou les autoritês n'ont pas les devises en quantitês adêquates;et elles n'ont pas d'autres moyens,du fait de leur accord avec le Banque et le FMI,que de dêvaluer encore plus le dinar.Ceux qui sont prëts á payer des devises á n'importe quel prix se retournent vers le marchê paralléle,qui s'êtend et se renforce de plus en plus.Ce processus rêcurrent peut durer des annêes et des annêes,en particulier si le gouvernement dêcide d'utiliser le paravent des "conditions du FMI" pour continuer á dêvaluer tout en poursuivant une politique monêtaire laxiste,ce qui est une tentation facile á laquelle il peut s'adonner sans risque d'ëtre dêcouvert;

9.La dêvaluation a êtê prêsentêe comme le reméde unique á tous les maux par les tenants de "l'êconomie de marchê pure et dure" qui n'existe que dans les manuels êlêmentaires de sciences êconomique,ont en fait une panacêe universelle,source,comme par

enchantement,de tous les bonheurs et de toutes les richesses,et dêbouchant sur le "paradis" de la convertibilitê du dinar,mais avec comme consêquences la destruction dêfinitive de l'êconomie nationale et l'accêlêration de l'endettement extêrieur.Le reméde pris á fortes doses devient un poison mortel,en particulier s'il est appliquê sans considêration de l'êtat physique du malade et des particularitês de sa maladie;et c'est ce qui se passe actuellement en Algêrie;

10.La dêvaluation est supposêe ëtre bênêficiaire au gouvernement;en effet,elle entraïne l'augmentation automatique du prix des produits importês et l'accroissement des bênêfices nominaux que les exportateurs tirent de leurs recettes;d'oú êlêvation du montant des impõts directs et indirects perèus par l'Etat;et consêquence de cela,le budget est plus facile á êquilibrer et le gouvernement n'a plus besoin de recourir á la planche á billets ou aux emprunts pour payer ses dêpenses;malheureusement,pour l'Algêrie ces consêquences heureuses sont contre-balancêes par les effets nêgatifs de la dêvaluation sur l'endettement des entreprises nationales et les actifs non performants des banques;ce qui est gagnê d'un cõtê est rapidement utilisê pour couvrir les pertes gênêrêes de l'autre;l'Etat se retrouve "piêgê," et dans une situation financiére encore plus grave aprés la dêvaluation qu'avant elle;de plus,il doit faire face á des ajustements de son budget consacrê au soutien des prix des produits jugês essentiels ou aux solutions de remplacement destinêes á protêger de l'inflation,compagne normale de la dêvaluation,les couches á faibles revenues,qui reprêsentent maintenant 60 pour cent du peuple algêrien;mëme la Banque centrale subit des pertes du fait que ses dêbiteurs,que ce soit le Trêsor ou les banque primaires,se trouvent incapables de la rembourser ou de payer pour les devises nêcessaires á la liquidation de leurs dettes êchues;deux chiffres rêsument cette situation:les dettes des entreprises publiques sont passêes,en consêquence de la dêvaluation,de 250 milliards de dinars á 400 milliards de dinars en l'espace d'une annêe!

11.La dêvaluation est êgalement supposêe rendre les produits nationaux compêtitifs á l'exportation;encore faut-il que le pays ait d'autres produits á exporter que ses hydrocarbures;ce qui suppose que la production nationale soit suffisamment importante pour couvrir les besoins de la consommation intêrieure en mëme temps que ceux de l'exportation,et que cette production soit de qualitê "exportable;"or,il se trouve que,du fait des difficultês d'approvisionnement en matiéres premiéres et en produits semi- finis,les entreprises industrielles,qui ont êtê conèues pour couvrir exclusivement la consommation intêrieure,ne sont mëme pas en mesure de la satisfaire;on peut tenter d'exporter á tout prix,pour prouver que la dêvaluation a eu l'effet attendu;le seul

rêsultat de cet effort sera la substitution de produits importês aux produits exportês,une pression encore plus forte á la dêvaluation du dinar,et l'exacerbation de l'inflation;encore doit- on supposer rêglês les obstacles qui mettent les pays importateurs aux exportations êventuelles de notre pays!

12.Le paradoxe,dans la situation algêrienne,c'est que plus la dêvaluation est importante,plus la situation êconomique et financiére du pays s'aggrave,plus l'inflation s'accêlére,plus la crêation monêtaire devient difficile á maïtriser,plus la fuite de capitaux se dêveloppe ,tout ceci du fait des deux caractêristiques fondamentales de l'êconomie de notre pays,á savoir un appareil de production quasi entiérement entre les mains de l'Etat,avec ce que cette situation implique comme obligations financiéres á la charge du Trêsor et qui ne peuvent ëtre reniêes du jour au lendemain,quelles que soient les subterfuges juridiques inventês ou copiês,et un systéme productif introverti qui ne peut ëtre rêorientê,mëme partiellement,vers l'exportation sans moyen financiers extêrieurs importants,impossibles á obtenir du fait de l'endettement extêrieur que traïne le pays;on peut ajouter á ces deux caractêristiques la sur-liquiditê structurelle de l'êconomie:les moyens de payements intêrieurs doivent ëtre rêduits des deux tiers si l'on veut parvenir au mëme taux de la masse monêtaire par rapport á la valeur de la production nationale annuelle que nos voisins maghrêbins;mais il a contradiction "mortelle" entre la volontê de continuer á dêvaluer d'un cõtê et la politique dêclarêe de rêduction du taux national de liquidit(2);

13.La dêvaluation du dinar êtait devenu indispensable dés le milieu des annêes soixante dix,lorsque l'expêrience de la politique d'industrialisation êtait suffisante pour permettre d'en percevoir les limites et les difficultês et d'en tirer les leèons;on peut donc dire que la "politique active de change " a quinze annêes de retard;malheureusement,on ne peut rattraper ces quinze annêes en quelques dizaines de mois sans crêer plus de problémes qu'on n'en rêsout;il aurait fallu êviter de laisser se crêer,puis fleurir,le marchê paralléle;et une fois qu'on lui a permis d'ëtre "plus vrai" que le marchê officiel,il aurait fallu êviter de lui donner une consêcration internationale qui a transformê un systéme marginal en mêcanisme central de cotation du dinar,condamnant l'Algêrie á un processus de dêvaluation perpêtuelle auto-alimentêe et á une spirale inflationniste infinie, qui ne peuvent qu'exacerber les problémes politiques,êconomiques et sociaux et rendre impossible la sortie

de la crise et de la clochardisation gênêralisêe qui êtend ses guenilles sur notre sociêtê.L'officialisation du "marchê paralléle" permettra-t-elle de le mobiliser au service de la reprise du chemin de la croissance?

(1)1 .-Voici comment les objectifs des êchanges extêrieurs sont dêfinis par le Rapport Gênêral du Deuxiéme

Plan Quinquennal 1985-1989:

"(Aussi) la politique nationale des êchanges extêrieurs devra

(-t-elle) se fonder de maniére prioritaire sur une participation plus grande de la production nationale á la satisfaction des besoins de fonctionnement et de consommation au sein de l'êconomie"(janvier 1985,p. 153)

Un poste de "secrêtaire d'êtat au commerce extêrieur" a bien fait partie,de temps á autre,de structures gouvernementales,mais c'êtait essentiellement un "dêpartement aux approvisionnements extêrieurs."

(2)ê2 .-Suivant l'Office National des Statistiques,la masse monêtaire s'est accrue de 20 pour cent en 1991

contre 10 pour cent en 1990 et 5,4 pour cent en 1989,donc en accêlêration,accentuant le risque de dêrapage vers l'hyper-inflation,d'autant plus menaèante que l'absence de reprise êconomique rend les entreprises encore plus tributaires de crêdits bancaires,que,du fait de la faiblesse de la fonction d'intermêdiation,les banques primaires sont obligêes de refinancer auprês de la bamque centrale,d'oú nouvelle poussêe á la crêation monêtaire.