Table des
Matières

Chapitre Premier

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Courrier


Démocratie


VII. PRIVATISATION OU LIQUIDATION DU SECTEUR PUBLIC ?

L'êconomie de marchê triomphe;partout,l'Etat abandonne peu á peu au profit de l'initiative privêe les attributions qu'il s'êtait arrogêes dans la sphére êconomique.Le vent de la privatisation souffle sur le monde entier;les gouvernements de 106 pays font actuellement de la privatisation un êlêment central de leur programme politique et êconomique,des Etats-Unis,patrie de la libre-entreprise,oú il s'agit de transfêrer au secteur privê des activites qui,jusqu'á prêsent,êtaient considêrêes comme des attributions naturelles de l'Etat,telles que le maintien de l'ordre public ou le systéme carcêral,aux pays de l'ex-camp socialiste oú,pendant plusieurs dêcennies,la propriêtê privêe,considêrêe comme une hêrêsie au mëme titre que l'êconomie de marchê dans le cadre de laquelle elle se crêe et s'êpanouit,êtait hors-la-loi et ses dêfenseurs mis au ban de la sociêtê.

En fait,on peut diviser en trois groupes les pays oú se dêroulent des opêrations de privatisation:

Le courant en faveur de la privatisation est si puissant que les problémes complexes que sa mise en oeuvre pose sont sous- estimês ou simplifiês á l'extrëme et que ses effets positifs sur les êconomies qui l'adoptent apparaissent incontestables;on a

l'impression qu'il suffit que l'Etat abandonne la propriêtê des unitês de production qu'il a crêêes avec des fonds publics et dont il assure la gestion pour que la prospêritê se mette á rêgner comme par enchantement.

Tel n'est,hêlas,pas le cas,et le processus de privatisation en est á sa phase initiale pratiquement partout dans le monde,ce qui fait que personne ne peut garantir qu'il aboutira inêluctablement á l'expansion êconomique et á la prospêritê á laquelle tous aspirent.

Reste,cependant,que la Banque mondiale et le Fonds monêtaire international,qui ont pris le contrõle des êconomies de la majoritê des pays qui libêralisent leurs êconomies,font de la privatisation du secteur public un êlêment-clef de leurs politiques de stabilisation et de restructuration.

Si l'on laisse de cõtê le niveau d'avancement technique des pays en cause,la qualitê de leurs institutions publiques,et plus particuliérement de celles chargêes de la rêgulation de l'êconomie,deux êlêments qui jouent un rõle dêterminant dans l'impact du processus sur les êconomies concernêes,il apparaït êvident que les problémes posês par la privatisation dans le dernier groupe de pays sont d'une autre dimension que ceux des pays de la premiére ou de la seconde catêgorie ou la notion de propriêtê n'a jamais êtê mise en cause ou redêfinie pour ëtre adaptêe au goüt des idêologues au pouvoir.

La notion de propriêtê se trouve au centre du processus de privatisation;si le droit de propriêtê n'est pas reconnu et si la propriêtê privêe n'est pas distinguêe de la propriêtê publique,non seulement par la loi,mais par la pratique sociale quotidienne et le systéme judiciaire,la privatisation ,comme transfert des actifs productifs et des biens immeubles de l'Etat aux particuliers n'est qu'une opêration dêguisêe de pillage des biens publics au profit d'une minoritê de nantis.

Cette observation parait affirmer un lieu commun;mais l'examen de la situation du droit de propriêtê dans notre pays au cours des trois derniéres dêcennies rêvéle une situation de confusion d'oú une minoritê a tirê des avantages et des fortunes qu'elle veut actuellement voir reconnues sous le couvert d'un droit non êcrit,et donc clandestin,á l'immunitê et á la prescription.

En Algêrie,la propriêtê privêe,en tant que concept,n'a jamais êtê remise en cause;mais son exercice et sa jouissance ont êtê fortement limitês;en fait,son extension ou son rêtrêcissement ont êtê soumis aux alêas de la politique intêrieure,aux

nêcessitês du moment,elles-mëmes dictêes par le jeu des factions et des clans qui caractêrise le systéme politique algêrien depuis l'Indêpendance.

L'opportunisme et l'inspiration du moment ont jouê dans la dêtermination de l'exercice du droit de propriêtê un plus grand rõle que l'idêologie socialiste,utilisêe comme cadre explicatif á posteriori á des dêcisions politiques,êconomiques et sociales prises pour rêpondre aux circonstances du moment.On comprend que la clartê aussi bien idêologique que politique et surtout juridique n'a jamais êtê l'objectif visê dans la dêfinition du droit de propriêtê privêe et des bênêfices êconomiques qui peuvent provenir de son exercice.

L'ambiguðtê a êtê maintenue probablement á dessein pour permettre au systéme politique en place de garder ouvertes ses options de contrõle sur les ressources qui êtaient supposêes ëtre hors de son domaine,et qui permettaient á leurs propriêtaires d'êchapper á son influence pour leur subsistance quotidienne.La subtile distinction faite par la premiére Charte Nationale entre "propriêtê exploiteuse et propriêtê non exploiteuse "dont la dêfinition dependait du bon vouloir des responsables du rêgime et pouvait justifier les dêcisions les plus arbitraires et les plus opportunistes n'a rien fait pour êclairer leurs vues sur ce probléme,central s'il en est,dans l'organisation de la vie quotidienne de chaque membre de la communautê nationale.

En fait,le droit de propriêtê individuel tel que vêcu concrétement par telle ou telle personne êtait êtabli sur des bases subjectives,donc mouvantes,et soumises au bon vouloir de tel ou tel membre de l'appareil d'Etat;ce qui êtait important n'êtait pas tant d'avoir un titre lêgal de propriêtê,attestant que le bien en cause avait êtê acquis dans les formes lêgales requises que d'avoir les relations á l'intêrieur de l'appareil politico-administratif permettant de transformer un "privilége" en "droit";á la limite peu importait si le bien êtait mal acquis,avait êtê payê á une prix infêrieur á son prix rêel,ou appartenait á une entitê publique qui lêgalement ne pouvait s'en dessaisir.

Dans les systémes juridiques "modernes",l'accés á la propriêtê privêe est fondê sur un formalisme strict contrõlê par les pouvoirs publics et confortê par la protection que lui assure le systéme judiciaire totalement indêpendant.

Dans le systéme "de fait" algêrien,la forme d'acquisition de la propriêtê privêe,que ce soit une maison,des marchandises,de l'êquipement,de la trêsorerie,n'obêissait á un certain formalisme que dans la mesure oú l'acquêreur ne pouvait pas se prêvaloir d'appuis "plus forts que la loi."

Aprês une analyse approfondie de la naissance du secteur industriel privê,levant le voile sur le mêcanismes de dêveloppement de la propriêtê privêe dans ce secteur,Djilali Liabés aboutit á la conclusion suivante:

"Ne peut donc rêussir que celui qui aura êtê prêparê á l'entreprise en gêrant au mieux de ses intêrëts le capital de relations,en mariant ses enfants á de hauts fonctionnaires ou á leurs enfants,en cherchant des protecteurs,des porte-paroles ou des alliês aupres des appareils de l'Etat."(1)

La derniére manifestation de ce systéme se retrouve dans la maniére dont ont êtê distribuêes les terres agricoles "privatisêes."

La mëme ambiguðtê apparait dans ce qui,lêgalement et du fait de dêcisions politiques qui n'ont laissê lieu á aucune contestation,semblait pouvoir ëtre classê comme propriêtê publique,essentiellement les unitês de productions payêes sur les fonds de l'Etat ou par des emprunts extêrieurs explicitement ou implicitement garantis par lui.

Bien que l'on ait tentê de donner une forme institutionnelle bien dêterminêe aux modalitês d'exercice du droit de propriêtê publique,que l'on ait pris grand soin á rêpartir les attributions en matiére de dêtermination,de payment,de gestion et de contrõle des investissements,bien que thêoriquement toutes les entreprises publiques,que ce soit avant 1979 ou aprês leur restructuration,fussent gêrêes sous le contrõle d'un "tout puissant conseil d'administration"(du moins si l'on en croit les journaux officiels), toutes les dêcisions relatives á ce secteur êtaient prises par des individus,membres de l'appareil politique,et jouissant d'un privilége d'usage et d'abus,accompagnê d'un privilége d'immunitê couvrant tous leurs actes de gestion,sinon de droit,du moins de fait.

Et dans notre pays,la pratique est plus forte que la loi,quel que soit le niveau hiêrarchique que cette loi occupe dans le systéme lêgal algêrien.

La bureaucratie qui êtait supposêe exercer les attributions de l'Etat en matiére de gestion du secteur êconomique public,n'êtait mise en branle que quand l'exigeaient les circonstances politiques du moment.Et gare au "bureaucrate" qui prenait trop au sêrieux ses attributions et se croyait au service de "l'intêrët public"!On faisait vite de lui rappeler que le

systéme n'admettait pas le principe de base de tout Etat stable,solide et fonctionnant,non au service d'une clique changeante dans sa composante humaine,mais non dans sa philosophie prêdatrice,á savoir que les lois ne sont ni promulguêes,ni appliquêes au grê des caprices des "dêcideurs," et que nul n'est au-dessus de la loi.

Ce sont lá,certes,des principes qu'on a toujours eu soin d'inclure dans les quatre constitutions que notre pays a eues depuis l'Indêpendance,tant il est difficile,mëme pour les tenants du "despotisme subjectif" qu'on a baptisê "rêgime de parti unique" de se dêclarer pour l'arbitraire des gouvernants contre l'êquitê de la loi;mais,comme l'expêrience l'a prouvê,ces principes sont demeurês lettre morte,et il êtait plus dangereux de tenter de respecter,ou de faire respecter,un principe politiquement et êthiquement sain,que de le violer.

De telles conditions ne pouvaient que favoriser la corruption, (et ses manifestations pratiques dans la distribution des fonctions,salaires,prêbendes et rentes de l'Etat:le rêgionalisme,le nêpotisme et le clientêlisme)c'est-á-dire l'usage privê de l'autoritê et de la propriêtê publique,que ce soit les moyens financiers,les postes de travail,les biens immobiliers,les diplõmes universitaire,les attestations de militantisme,les titres honorifiques,etc. par ceux qui êtaient chargês de les gêrer dans l'intêrët commun.La corruption etait á ce systéme comme au corps le sang.

A la question suivante posêe sur ce sujet par un journaliste d'Algêrie-Actualitê au dêfunt Prêsident du H.C.E,

"Quels sentiments suscitent en vous le probléme de la corruption?"

Celui-ci rêpond:

"Depuis trente ans,l'Algêrie a vêcu dans des situations qui ont permis ênormêment de dêtournements de fonds.Personnellement,je n'ai rien entre les mains.Mais on voit des fortunes qui se sont constituêes,certainement pas honnëtement.Toutes ces fortunes ne se sont pas rêalisêes sur le dos de l'êtranger,mais sur le dos de l'Algêrie.D'autre part,quel est le lien entre ces fortunes et les pouvoirs qui se sont succêdês?Enfin,il faut trouver des moyens pour agir contre la corruption.Notre crêdibilitê dêpend de notre lutte contre la corruption."(2)

Muni de cette de cette grille d'analyse on peut mieux comprendre la signification et la portêe de l'interview accordêe

par un ancien premier ministre au quotidien "El Moudjahid" et publiê dans son numêro du lundi 22 octobre 1990(3),et l'affirmation du prêcêdent chef de gouvernement suivant lequel la lutte contre la corruption dêstabilisait le pays,dêclaration des plus paradoxales car elle va á l'encontre du bon sens politique le moins sophistiquê suivant lequel la corruption est politiquement dangereuse parce qu'elle rêvéle la faiblesse d'un appareil d'Etat et d'un systéme politique qui ne peuvent survivre qu'en distribuant,sans cause,aux groupes et aux personnes qui leur permettent de se maintenir au pouvoir les ressources nationales qu'ils sont supposês gêrer pour le bien de tous.

C'est de cette mëme philosophie que s'inspire le statut de la Banque d'Algêrie,sous le couvert de l'objectif louable d'indêpendance de l'institut d'êmission;trente annêes d'expêrience n'ont pas êtê perdues et rien ne vaut que de lêgaliser ce que rejette la logique et la morale de l'Etat dans sa conception moderne.

La privatisation a commencê en Algêrie dés 1980,avec l'opêration de vente des "biens immobiliers vacants" et des immeubles et villas gêrês par les diffêrentes administrations de l'Etat pour les besoins de leur missions:ministére des affaires êtrangéres en particulier qui,pour le logement des missions diplomatiques êtrangéres,avait un parc de villas de maïtre,parfois classifiables comme monuments historiques,dont la valeur atteint des centaines de millions,si ce n'est des milliards de dinars,et qui a êtê liquidê á vil prix et de grê á grê en violation du code des domaines de l'etat.

Elle a êtê suivie,á partir de 1987,par les opêrations de

dêmantélement des entreprises agricoles autogêrêes et de distribution des terres agricoles faisant partie de l'ex-Fonds de la Rêvolution Agraire á des usufruitiers organisês en groupements d'exploitation(4).

Dés 1988,la privatisation a êtê êtendue au secteur pêtrolier,oú elle s'est d'abord effectuêe de maniére clandestine et rampante;puis le processus s'est accêlêrê dans ce secteur,sous le couvert du réglement du probléme de la dette extêrieure.

Le secteur public de la distribution,sous forme de grands magasins,est vouê á disparaïtre "de mort naturelle" sous l'effet de la concurrence du commerce de dêtail privê,qui rêagit plus rapidement aux besoins du marchê et peut,pour s'approvisionner,utiliser des voies "illêgales"interdites aux entreprises nationales du secteur;cependant,ce secteur contrõle un patrimoine immobilier consêquent qui,sans aucun doute,attire la convoitise des distributeurs privês.

Quant au transport routier,il est peu á peu pris en charge par l'initiative privêe;il suffit que l'Etat refuse de soutenir les demandes de financement du renouvellement du matêriel roulant que les entreprises du secteur prêsentent á leur banque pour qu'elles s'effondrent.

Les autres activitês de service, á caractére non social,particuliérement dans le domaine touristique,sont en voie de privatisation essentiellement sous forme de contrats de gêrance ou de "gestion",en attendant qu'une formule acceptable de mise en vente de leur base fonciére et immobiliére soit êtablie.

Le processus de privatisation s'est effectuê au fil des annêes et au grê des circonstances,de maniére non-systêmatique et pour rêpondre á des besoins politiques,êconomiques ou financiers circonstanciels sans vision de long terme.

Cette approche pragmatique avait l'avantage d'êviter que s'organise une opposition cohêrente et efficace a la distribution par l'Etat d'une partie du patrimoine national,au financement duquel chaque Algêrien a contribuê bon grê malgrê,et souvent sans mëme ëtre consultê;en mëme temps elle permettait au pouvoir de faire bênêficier de ces opêrations ses proches et ses alliês, de renforcer le groupe de ceux qui avaient intêrët á son maintien aussi bien á l'intêrieur qu'á l'êtranger.

Restent le secteur financier et l'industrie.

Dans le secteur financier,la privatisation pourrait ne pas se justifier,á condition que les institutions financiéres,banques et sociêtês d'assurance,adoptent les mêthodes classiques de gestion financiére saine,et en particulier,qu'une fois leur situation financiére assainie les banques ne prëtent que sur la base de critéres de "bancabilitê" reconnus ;si l'exemple des pays industrialisês êtait suivi,les entreprises de ce secteur

devraient faire l'objet de réglements si stricts que la nature juridique de la propriêtê de leur capital importerait peu.

Autre argument contre la privatisation des banques en particulier,dans les pays ayant le mëme niveau de dêveloppement que l'Algêrie et oú le contrõle bancaire est au stade primaire,les banques privêes ont abusê de leurs priviléges et de la mêconnaissance aussi bien des autoritês que des citoyens des régles de base des fonctions bancaires.

Laisser les banques êtrangéres s'installer dans le pays serait faire entrer le loup dans la bergerie,sans effet certain de transfert de technologie ou d'argent frais;l'expêrience d'autres pays prouve que ces banques deviennent peu á peu des canaux de transferts licites ou illicites de capitaux et qu'elles tentent de profiter des facilitês de la banque centrale locale pour faire des bênêfices en monnaie nationale sur des liquiditês fournies par le pays et pour transfêrer ces bênêfices,en devises,vers leur maison- mére.

Autorisêes á s'installer dans le pays pour "ramener de l'argent de l'êtranger" elles en profitent pour drainer encore plus les maigres fonds des rêserves de changes.

Aussi est-il nêcessaire de se garder d'illusion sur la

volontê ,ou la capacitê,des filiales de banques êtrangéres de contribuer au financement du dêveloppement national!

Du fait de sa signification politique et de son importance êconomique et sociale et de sa situation financiére,le secteur public industriel et financier ne peut ëtre privatisê "en catimini" et par petits morceaux.

Sa privatisation impose une approche systêmatique et formelle transparente.

Les mêcanismes de transfert doivent ëtre dêfinis avec prêcision et de maniére aussi exhaustive que possible.L'Etat ne peut conserver sa crêdibilitê,au cas oú il l'estime nêcessaire pour conforter sa lêgitimitê,s'il liquide clandestinement tout ou partie de l'actif productif qu'il dêtient;la publicitê des transactions,dans le cadre d'adjudications publiques,de ventes d'actions reprêsentant le capital des unitês á privatiser est une obligation morale en mëme temps qu'elle constitue la garantie que les privatisations ne sont pas en fait des opêrations de liquidation á bas prix et au profit d'un petit groupe de personnes qui ont les "relations qu'il faut" parmi les dêcideurs.

Du fait de leurs problémes actuels,causês par la multiplicitê des objectifs qu'elles êtaient censêes atteindre,et dont beaucoup appartenaient á la sphére du politique,la valeur des entreprises peut ëtre sous-estimêe;et prêtextant de l'urgence d'achever les opêrations de privatisation,les responsables de l'opêration pourraient ëtre tentês de "solder",sinon de liquider les entreprises publiques,semant les causes de tempëtes politiques futures.

Dans le processus de transfert,on ne doit pas perdre de vue les droits des citoyens en tant que dêtenteurs finaux de la propriêtê publique,et qui,comme il a êtê deja dit,ont en fait contribuê,directement ou indirectement,au financement de la crêation de ce secteur,et,de toutes maniére,subissent dans tous les aspects les plus simples de leur vie quotidienne et dans leur destin personnel et familial,les consêquences de son style de gestion.

La distribution gratuite aux citoyens d'actions du capital des entreprises á privatiser doit ëtre prêvue,de mëme que le droit d'acheter un nombre de parts dêterminêes doit leur ëtre reconnu.Ce droit de "prêemption"est d'autant plus lêgitime que la politique d'austêritê actuelle,qui se traduit par la dêvaluation continue du dinar,l'inflation,la rêcession,le chõmage,le trabendisme, malgrê quatre plans de relance economique annonces par le gouvernement prêcêdent entre juin 1991 et fêvrier 1992,et un nouveau programme êconomique du gouvernement mis en place en juillet de la mëme annêe,programme annoncê en septembre 1992 sous le mot d'ordre d'êconomie de guerre,constitue en fait le repaiement par les Algêriens d'investissements mal conèus et mal financês par les animateurs de la politique d"industrie industrialisante"(5)qui a êtê suivie sans rupture de 1966 jusqu'á l'effondrement êconomique final d'octobre 1988.

On ne peut pas,êgalement,transfêrer,sur des base lêgales incertaines,non seulement de l'êquipement,mais êgalement une nombreuse force de travail,á un individu ou un groupe d'individus sans avoir dêfini les obligations qui restent du ressort de l'Etat,en tant que reprêsentant des intêrëts

de la communautê nationale et en tant qu'agent de cette communautê et exerèant,par dêlêgation,le droit de propriêtê sur ce patrimoine.

Ainsi,l'Etat ne peut pas ëtre guidê exclusivement par des considêrations d'efficacitê êconomique et prendre des mesures de transfert du patrimoine public qui contribuent á accroïtre la richesse des uns et la pauvretê des autres et á êlargir les diffêrences sociales,et ne pas tenir compte des effets qu'une telle action aura non seulement sur sa crêdibilitê en tant que comptable des intêrëts de toute la commmunautê nationale,mais êgalement en tant que responsable de la stabilitê prêsente et future du pays,stabilitê que ne garantit pas l'application exclusive de la force publique.

En passant la propriêtê de l'entreprise ou de certaines de ses unitês á un privê,l'Etat ne lui transfére pas ses responsabilitês sociales et politiques;il doit prendre en charge les consêquences que ce transfert aura sur la force de travail qui ne trouve pas sa place dans l'entreprise;mëme un pays comme la Rêpublique fêdêrale allemande a reconnu que la succession á l'ancienne Rêpublique Dêmocratique Allemande et les changements êconomiques qui en ont dêcoulê lui imposaient des obligations morales et donc financiéres envers ceux qui ont pãti de la disparition de l'ancien systéme socio-êconomique.

Il est certain que les opêrations de privatisation donneront lieu á rêduction des personnels des unitês de production touchêes,á licenciement des gestionnaires,á fermeture de certaines unitês;et la tentation est grande de fermer les yeux sur les drames sociaux qui seront,sans aucun doute,entraïnês par les opêrations de privatisation,en particulier si le stratagéme de la mise en faillite est appliquê.

Se laver les mains des consêquences sociales de la privatisation n'est ni juridiquement acceptable,ni socialement soutenable,ni politiquement raisonnable.

La clõture des unitês de production dont la privatisation n'est pas rêalisable n'êteint pas les obligations sociales de l'Etat en tant que propriêtaire.

Suivant la mëme logique que celle appliquêe aux obligations

sociales,l'Etat peut difficilement demander aux nouveaux propriêtaires de prendre en charge les dettes de l'ancienne entreprise ou de ses unitês de production;il lui serait difficile de trouver des acquêreurs á des unitês dont les êquipements sont plus ou moins obsolétes et doivent donc ëtre renouvelês,mais qui traïnent êgalement le boulet d'obligations financiéres sans rapport avec leur capacitê de les rembourser,mais qui avaient êtê acceptêes parce que l'Etat en garantissait explicitement ou implicitement le remboursement par les surplus(ou la "rente") tirês du secteur des hydrocarbures.On pourrait ajouter que l'Etat

ne peut accepter ses obligations financiéres et rejeter ses obligations sociales.

En conclusion:

(1)1 -dans "Capital privê et patrons d'industries en Algêrie 1962-1982:Propositions pour l'analyse de

Couches sociales en Formation-CREA, Alger

(2)2 .-dans "Algêrie-Actualitê" semaine du 23 au 29 avril 1992.

(3)3 .-Voici ce que cet ex-premier ministre a dêclarê,entre autres,dans cette interview:

"je reste convaincu que dênoncer la corruption et prõner la moralisation de la vie êconomique reste la seule voie pour restaurer la confiance et la crêdibilitê en nos institutions.D'ailleurs,il est curieux de noter l'êvolution de la position du gouvernement(le gouvernement de septembre 1989-juin 1991,n.d.l.a.) á l'êgard de la corruption.Le Chef du Gouvernement lors de la session du Comitê Central du 1er au 4 mars 1990 a dêclarê qu'il ne saurait ëtre question de suivre la base dans l'application du principe:d'oú tenez-vous ceci?",qu'il ne sortirait aucun dossier et que "Dieu pardonne á ceux qui ont volê... dans une êmission de "Transparence" dont il a êtê l'invitê au mois de mai(1990),le Chef du Gouvernement a lancê une phrase qui voulait dire "que ceux qui ont accumulê de l'argent indüment aient au moins la dêcence(sic) de l'investir.afin que le pays puisse faire face aux contraintes sociales les plus aiguðes."(El Moudjahid du lundi 22 Octobre 1990,p.2)

(4)4 .-Peu de temps avant la Confêrence nationale sur l'Agriculture,qui s'est tenue á Alger du 11 au 13

mai 1992,le responsable du dêpartement ministêriel concernê a indiquê qu'il êtait envisagê de privatiser dêfinitivement 35.000 exploitations agricoles reprêsentant 135.000 fermes,et que le transfert de propriêtê sur ces exploitations serait effectuê en prioritê au profit des paysans qui y travaillent.Cependant,il est á signaler "qu'au cours de cette rencontre des experts on exprimê leur crainte que la vente des terres,loin de reprêsenter une solution-miracle,pourrait engendrer des consêquences dêsastreuses pour l'agriculture telles que la spêculation fonciére et la disparition des ceintures maraichéres autour des villes au profit d'une urbanisation sauvage."(rapportê par Marchês Tropicaux du 22 mai 1992,p.1299)

(5)5 .-Il est utile de rappeler la dêfinition qu'en a donnêe le Professeur G.Destanne de Bernis,de

l'Universitê de Grenoble(France)qui a êtê l'un des conseillers les plus êcoutês des animateurs algêriens de la planification et de l'industrialisation dans les annêes soixante et soixante dix:

Les Industries industrialisantes sont:

"celles dont la fonction êconomique fondamentale est celle d'entraïner dans leur environnement,localisê et datê,un noircissement systêmatique de la matrice industrielle et des fonctions de production grãce á la mise á la disposition de l'entiére êconomie d'ensembles nouveaux de machines qui accroissent la productivitê du travail et entraïnent la restructuration êconomique et sociale de l'ensemble considêrê en mëme temps qu'une transformation des fonctions de comportement au sein de cet ensemble."(Les industries industrialisantes et les options algêriennes,Revue Tiers-Monde numêro 47 Juillet-Septembre 1971).