Table des
Matières

Chapitre Premier

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Courrier


Démocratie


VIII. COMMERCE INTERNATIONAL ET REINDUSTRIALISATION

Le dialogue Nord-Sud n'est plus qu'un souvenir lointain d'une pêriode rêvolue,oú certains pays exportateurs de pêtrole,chevauchant la vague du rêajustement du prix des hydrocarbures du dêbut des annêes soixante dix,et de sa crëte de 1981,se sont crus en possession d'un pouvoir de nêgociation suffisamment fort pour mettre en cause l'ordre êconomique international êtabli par les grandes puissances occidentales aprés la seconde guerre mondiale.Ce dialogue,qui n'a jamais êtê qu'un double monologue(1),s'est peu á peu êteint jusqu'á ne plus mëme ëtre un murmure entretenu par les chancelleries des pays les plus pauvres.

Il est temps que les historiens s'attélent á le raconter,mais avec le risque que leurs êcrits n'intêressent personne,ou mëme suscitent l'ire de ceux qui,parmi les responsables politiques des pays "non-alignês",ont construit leur fortune politique sur la poursuite d'une stratêgie de rêorganisation de l'êconomie mondiale ,paradoxalement sur des bases plus justes et êthiquement plus acceptables que les êconomies des pays qu'ils gêraient,stratêgie vouêe á l'êchec

parce que fondêe sur une prospêritê êphêmére et superficielle tirant sa source des recettes d'exportation d'une seule matiére premiére,essentielle,certes,pour le fonctionnement des êconomies les plus avancêes.

Il reste peu de choses des multiples forums internationaux qui ont tournê autour du concept de "nouvel ordre êconomique international;"de l'assemblêe gênêrale extraordinaire des Nations Unis d'Avril 1974 á la confêrence au Sommet de Cancun,en 1981.La CNUCED (Confêrence des Nations-Unis sur le Commerce et le Dêveloppement Economique),êtablie en 1964,est rêduite á un secrêtariat chargê de prêparer un rapport annuel sur le commerce mondial et d'administrer une banque de donnêes;son influence sur l'organisation du commerce international est rêduite,si ce n'est nulle;et dans le contexte actuel de "redêploiement" des institutions spêcialisêes de l'ONU,rien ne dit qu'elle ne serait pas appelêe á disparaïtre.Mëme le commerce "Sud-Sud",qui semble pourtant aller de soi,n'a pas pris racine,et,en comparaison avec l'expansion du volume des transactions commerciales internationales,demeure marginal.

Les rêalitês êconomiques internationales se sont finalement imposêes.Et dans le commerce international,la rêalitê fondamentale est que les pays industrialisês ont accru leur avance sur les pays du Sud qui,á quelques exceptions prês,dont les "tigres" de l'Asie du Sud-Est,se dêbattent dans des crises êconomiques dont ils ne parviennent pas á s'extriquer,s'enfoncent dans la pauvretê,si ce n'est la misére,dans la dêpendance êconomique et financiére,et en fait, se marginalisent,ayant mëme perdu leur importance stratêgique gêopolitique du fait de l'effondrement du systéme des "deux blocs",et de l'êmergence des Etats-Unis comme seule super- puissance.

Le fait,imparable,est que les pays industrialisês contrõlent directement soixante et onze pour cent des flux commerciaux internationaux,tant en exportations qu'en importations;ce poids dans les relations commerciales internationales,qui se refléte êgalement dans la crêation et la circulation des moyens de payement de ces flux de biens et services,annule toute possibilitê,pour les pays les plus pauvres,de participer aux grandes manoeuvres êconomiques et commerciales internationales qui vont fixer le rang de chaque pays dans l'ordre politique du premier siécle du troisiéme millênaire,qui n'est plus qu'á neuf annêes de maintenant.

Le probléme actuel n'est pas,en fait,l'organisation du commerce international sur des bases plus claires et plus "êquitables,"mais le poids de chaque pays dans le nouvel ordre qui se met,peu á peu,en place,et oú les critéres de capacitês nationales de production joueront un rõle dêterminant,contribuant

non seulement á l'accroissement de la prospêritê de certains pays,mais êgalement á leur puissance militaire,qui dêfinit leur capacitê de dêfendre leurs intêrëts vitaux et de participer á l'êtablissement des nouvelles régles de jeu mondiales.

Derriére les nêgociations du GATT (Accord gênêral sur les Tarifs Douaniers et le Commerce international),qui occupent une place importante dans l'actualitê,du fait de divergences fondamentales entre les Etats-Unis et la Communautê Europêenne,se cache en fait le probléme de la nouvelle rêpartition de la puissance mondiale.Il s'agit d'êtablir la rêponse á la question suivante :Autour de quel pays ou de quel groupe de pays le monde va-t-il tourner?

Au fait,qu'est ce que le GATT?A la fin de la seconde guerre mondiale,les puissances alliêes,sous la direction des Etats- Unis,avaient,pendant une bréve pêriode en 1944,entretenu l'idêe de la mise en place d'une Organisation du Commerce internationale,qui aurait êtê le pendant du Fonds monêtaire international;cette idêe,qui devait dêboucher sur une administration centralisêe des régles de conduite dans le domaine du commerce internationale,êtait trop difficile á mettre en pratique.

Une solution plus souple fut adoptêe en 1947,sous la forme d'un accord international entre pays souverains jetant les fondements d'un systéme de commerce international aux régles transparentes qui serait appelê á devenir universel.

Deux principes guidaient cet accord:le principe de l'êgalitê de traitement de tous les partenaires commerciaux internationaux,connu sous le nom de principe inconditionnel de la nation la plus favorisêe,et le principe de rêciprocitê dans les relations commerciales internationales;le fil directeur êtant la libertê totale,dans un avenir non datê,des transactions commerciales internationales;il s'agissait de jeter les fondations d'un seul marchê international,permettant le libre jeu de la compêtition au profit de tous,et l'accroissement de la prospêritê partagêe par tous les pays du monde,sans autre discrimination que leur capacitê de produire des biens et services de meilleur qualitê et de meilleur prix que leurs partenaires dans le concert des nations.

Le GATT est conèu comme un ensemble de régles qui prennent en compte les intêrëts de tous les pays qui adhérent á ses clauses.

Etablies peu de temps aprés la fin de la seconde guerre mondiale,et alors que les pays industrialisês n'avaient mëme pas entamê leur reconstruction,et avant la mise en place du fameux

"Plan Marshall",ces régles dêfinissent un monde idêal,dont l'ordre commercial international devait se rapprocher peu á peu par une sêrie de nêgociations globales,tenues au fur et á mesure que les circonstances êconomiques,financiéres et commerciales internationales le permettaient.

Entre 1947 et 1979,il y a eu sept pêriodes de nêgociations globales dans le cadre du GATT.La huitiéme nêgociation globale,prêparêe á partir de 1980,a finalement officiellement êtê lancêe en septembre 1986 á Punta del Este,en Uruguay,d'oú le nom sous lequel elle est connue.Ce que l'on constate,c'est qu'au fur et á mesure,la durêe des nêgociations commerciales internationales sous l'êgide du GATT,devient de plus en plus longue,et celles-ci de plus en plus complexes.Le "Kennedy Round" a durê quatre annêes(1963-1967);le"Tokyo Round" s'est êtalê sur six annêes (1973-1979).

La sêrie actuelle de nêgociations,dont les thémes principaux ont êtê fixês dés 1980,se caractêrise par la confusion,la multiplicitê des dates-limites,les fausses "conclusions" qui ,en fait,font rebondir les discussions dont on pensait qu'elles avaient êtê finalement achevêes,et de maniére gênêrale,une certaine stagnation,et une volontê des puissances nêgociatrices,c'est-á-dire essentiellement les trois blocs êconomiques les plus importants,á savoir les USA,maintenant á la tëte de l'Association Nord- Amêricaine de Libre-Echange,comportant êgalement le Canada et le Mexique,la Communautê Europêenne,et le Japon,de maintenir le statu- quo actuel,dont,pourtant,les effets nocifs non seulement sur les pays qui semblent en tirer les plus grands avantages,mais êgalement sur les pays les plus pauvres,ont êtê analysês avec prêcision.

Un autre êlêment essentiel á rappeler dans la conduite de ces nêgociations,c'est que les points de leur ordre du jour intêressant les pays les plus pauvres ont êtê pratiquement nêgligês,ou ont donnê lieu á des dêclarations de principes qui n'engagent que ceux qui "les ont faites."

Pour la clartê de la prêsentation,chacun des thémes principaux de ces nêgociations sera prêsentê,en ne perdant pas de vue que l'objectif visê est de rendre le commerce international plus fluide,et donc plus libre ,ou moins entravê par des contraintes fiscales et rêglementaires complexes et onêreuses.Serait-il utile de mentionner que nombre de ces problémes ont êtê soulevês dans un rapport prêparê en 1958 par le Professeur Haberler,sur la demande du GATT?

Libertê d'accés des biens et services importês aux marchês nationaux

Les accords du GATT rejettent,sauf en cas de probléme grave - et düment prouvê-de balance de payement de pays-membres, le systéme de limitations quantitatives aux importations,sous forme de quotas ou de licences plafonnêes,et considérent que le seul type acceptable de barrage á l'accés des marchandises importêes dans un marchê national doit ëtre constituê par le niveau des droits et taxes douaniéres,êtant entendu qu'un gouvernement a la droit de protêger ses producteurs nationaux de la concurrence internationale.

Il faut reconnaïtre que les partenaires commerciaux internationaux les plus dynamiques ont trés fortement baissê les taxes qu'ils perèoivent sur les marchandises importêes;dans ces pays la moyenne des taxes aux frontiéres payêes par les importateurs de marchandises s'est fortement rêduite depuis ces quarante cinq annêes d'existence du GATT;cette moyenne est passêe de 120 pour cent á la fin des annêes quarante á six pour cent actuellement.

Donc,un observateur superficiel pourrait en conclure qu'un vêritable dêsarmement douanier existe,et que toute marchandise peut ëtre importêe dans ces pays á condition que son importateur paye une taxe douaniére,au demeurant relativement faible.Cette affirmation doit ëtre nuancêe par le fait que le tarif de six pour cent est une moyenne,qui cache une diversitê de niveaux de tarifications destinês á dêcourager les pays exportateurs de matiéres premiéres á les transformer en produits semi-finis avant de les exporter.

Dans leur "gênêrositê extrëmes"les pays industrialisês ont êtê jusqu'á accepter que pour des marchandises en provenance des pays les plus pauvres,un systéme de prêfêrences gênêralisê(SPG) soit mis en place,á la suite du "Tokyo Round " permettant á ces marchandises d'entrer dans ces pays en payant zêro pour cent de droits de douanes.Le probléme est que ce systéme a êtê soumis á des conditions telles que peu de pays pauvres ont pu en tirer avantage.

En fait,ce dêsarmement dans les textes est contre-balancê par des mesures de protection de plus en plus complexes que les pays industrialisês ont utilisês pour protêger leurs secteurs productifs de la concurrence internationale.

Cet ensemble de mesures ne contredisent pas les accords du GATT,mais les contournent tout simplement.Actuellement 27.2 pour cent des importations des pays industrialisêes sont couverts par ces "barriéres non tarifaires;"ce pourcentage n'est,cependant qu'une moyenne;pour certains produits,ce mêcanisme peut atteindre 100 pour cent de leurs importations,comme le riz au Japon;en ce

qui concerne les produits ênergêtiques,dans lesquels l'Algêrie a un avantage comparatif 43 pour cent de leurs importations par les pays industrialisês sont touchêes par ces barriéres.

La moyenne des importations couvertes varie de pays á pays;ainsi 29 pour cent des importations des USA sont soumises á ces régles;ce pourcentage est de 22,5 pour cent pour les importations de la Communautê Europêenne,et tombe á 8 pour cent pour la Finlande.

Quelles sont,en fait ,ces barriéres?Certaines sont simplement un systéme de quotas inversês,qui,pour respecter la lettre des accords du GATT,sont nêgociês entre les pays producteurs et les pays importateurs,sur une base "volontaire."Ces limitations quantitatives couvrent des produits aussi variês que les textiles et les vëtements,dont une partie est êgalement intêgrêe dans un accord ,appelê "Arrangement Multi-fibres",nêgociê pêriodiquement(2) sous l'êgide du GATT,les voitures automobiles,l'acier(3),les chaussures et toute marchandise dont l'importation peut nuire aux intêrëts des producteurs nationaux.

D'autres mesures sont á caractére monêtaire;elles consistent en taxes supplêmentaires payêes par les importateurs en plus des taxes douaniéres,en particulier si le pays importateurs considére que le produit importê a bênêficiê de subventions du pays d'origine,ou si le prix du produit est plus bas á l'exportation que dans le marchê intêrieur d'origine.Cet ensemble de mesures,plus ou moins acceptêes par le GATT,sont intêgrêes dans les mêcanismes d'anti-dumping dont l'interprêtation par les pays importateurs est de plus en plus large.

Certaines mesures sont á caractére administratif et ont pour objectif de rendre l'importation de telle ou telle marchandise difficile,sinon impossible,en la soumettant á des formalitês complexes et changeantes,allant de l'obligation de licence d'importation prêalable,au dêdouanement dans des bureaux trés êloignês des frontiéres.

Finalement,il y a ce qu'on appelle les "mesures techniques"et qui couvrent les normes techniques ,d'hygiéne,et de protection de l'environnement auxquels les produits importês doivent rêpondre.

L'extension de ces multiples barriéres non fiscales est laissêe á l'imagination des services spêcialisês administrant les importations et chargês de veiller á ce que demeurent protêgêes les industries nationales mëmes les plus marginales,mais dont les propriêtaires jouissent d'appuis politiques ou de la capacitê d'influer les êlecteurs.

Ce que l'on constate,c'est qu'aucune solution ne sera apportêe par les nêgociations actuelles á ces freins á l'expansion des produits d'exportations dans lesquelles les pays pauvres ont un avantage comparatif ,soit en termes de coüts de production,soit en termes d'abondance des matiéres premiéres servant á les produire.Il ne faut pas s'attendre á des progrés de ce cõtê.

Cet ensemble de barriéres peut,êvidemment,ëtre êvitê lorsque le producteur installe ses usines á l'intêrieur du pays importateurs;mais ceci implique l'abondance de capitaux et la maïtrise technologique que seuls possédent les industriels des pays dêveloppês.C'est ainsi que les producteurs japonais de voitures ont dêplacê leurs usines dans les pays qui soumettaient leurs exportations á des quotas;les Corêens en font de mëme avec les produits êlectroniques de grande consommation;et les industriels amêricains dêmênagent leurs usines dans les pays de la Communautê et y fabriquent des produits sur la base des normes de cet ensemble êconomique.Un produit importê devient un produit national;l'ancien exportateur comme l'ex-importateur gagnent dans ce dêplacement de la production,dont l'expansion êtait auparavant limitêe par le systéme de protection du pays importateur.

Donc seuls les pays á faible capacitê technologique et administrative sont totalement impuissants devant cette montêe du protectionnisme dans les principaux marchês internationaux,montêe qui puise actuellement sa justification dans la rêcession par laquelle ces pays passent;et ils n'ont aucune capacitê de "reprêsailles,"car ils dêpendent,pour le financement de leurs importations,des pays industrialisês,envers lesquels ils sont souvent dêjá lourdement endettês.

Le commerce international des produits agricoles

Comme les principaux pays exportateurs de produits agricoles n'ont pas rêussi á s'entendre sur un systéme d'organisation du commerce international des produits agricoles dits " de zones tempêrêes",essentiellement les cêrêales,le sucre,les graines

olêagineuses,le coton et le riz,et êgalement de la viande rouge et le lait,ces produits restent en dehors du cadre du GATT,et chaque pays exportateur demeure libre d'en encourager la production et l'exportation comme il l'entend.

Des considêrations de caractére stratêgique(essentiellement l'auto-suffisance dans un certain nombre de produits alimentaires de base )et de politique intêrieur ont conduit certains pays et la Communautê europêenne,dans le cadre de sa Politique Agricole Commune(PAC) non seulement á pousser á une production agricole dêpassant de loin leurs besoins de consommation intêrieur,mais êgalement á inciter á leur exportation,tout en fermant leurs marchês aux importations de produits agricoles non tropicaux.Les encouragements á la production ont pris la forme de subventions(4) directes distribuêes aux fermiers,accompagnêes de mesures de soutien technique pour la mise au point et l'adoption de systémes de production efficients.

Cette politique a rêussi au delá des prêvisions;ainsi la Communautê europêenne a-t-elle une production vivriére qui dêpasse de vingt pour cent ses besoins alimentaires;et l'ensemble des grands pays producteurs et exportateurs de produits agricoles entretiennent des stocks de sêcuritê trente pour cent supêrieurs aux normes applicables pour garantir l'approvisionnement des marchês nationaux en cas de cataclysme naturel ou de troubles politiques graves.

Cette politique coüte cher;ainsi les USA versent-ils en moyenne environ 35 milliards de dollars par an de subventions á leurs agriculteurs(5),soit 83 dollars par hectare cultivê et 10.060 dollars par travailleur agricole.La Communautê europêenne,quant á elle,a un niveau de subventions á l'agriculture encore plus êlevê,76 milliards,soit 828 dollars par hectare cultivê et 10.077 dollars par travailleur agricole.

La part des aides dans la valeur finale de la production agricole des USA correspond á 22.1 pour cent de cette valeur ;ce chiffre est plus êlevê pour la Communautê europêenne(6),oú il atteint 49.9 pour cent de la valeur de la production agricole.C'est au Japon ,qui produit essentiellement pour la consommation intêrieure,que la part des subventions dans la

valeur de la production agricole est la plus êlevêe:57,6 pour cent;dans ce dernier pays toute la valeur ajoutêe agricole est en fait payêe par le budget du gouvernement(7),faisant du paysan un "fonctionnaire de l'Etat sans le titre et les obligations."

On est loin des lois de l'êconomie de marchê "pure et dure."

En fait,les marchês agricoles de ces pays sont totalement,et artificiellement,isolês des marchês internationaux,non seulement parce que les subventions reèus par les paysans rendent difficiles toute possibilitês pour les concurrents extêrieurs de battre leurs coüts de production,mais êgalement parce que les importations de ces produits(8) sont simplement interdites ou soumises á des normes

phytosanitaires impossibles á respecter.

La surproduction,entretenue dans ces pays á des coüts êlevês pour le consommateur intêrieur et le contribuable,fait des exportations une obligation vitale.Aussi,ces pays,qui,entre eux se partagent 74 pour cent du commerce international des produits agricoles et alimentaires,se font-ils une concurrence sauvage sur les marchês internationaux,au grand profit des pays importateurs de produits alimentaires,qui se sont mëme constituês en groupe de pression á l'intêrieur du GATT,sous le nom de Groupe des importateurs de produits alimentaires(FIG,en abrêviation anglaise),et qui militent pour recevoir une compensation au cas oú les pays exportateurs dêcident de s'entendre pour vendre leurs produits agricoles á leur coüt rêel.

C'est une vêritable guerre que ces pays ménent les uns contre les autres sur les marchês internationaux;cette guerre est exacerbêe par les mesures,de caractére êlectoraliste,prises rêcemment aux USA et dont mëme l'Algêrie a tirê profit(9).

Cependant,ni la Communautê Europêenne,ni les USA ne pourront continuer pendant longtemps á mener une telle politique,de plus en plus ruineuse et qui contribue á maintenir leur dêficit budgêtaire ,et leur endettement public,á des niveaux trés êlevês, á dêvier des ressources qui pourraient ëtre utilisêes á moderniser la production industrielle et á financer la recherche nêcessaire á cet objectif,dans la perspective du prochain siécle.Il a êtê estimê qu'en 1988,le montant des budgets de tous les pays industrialisês consacrê au financements des subventions á l'agriculture s'est êlevê á 300 milliards de dollars!

Les divergences entre les deux entitês êtaient telles en septembre 1992 que rien n'indiquait qu'un accord füt possible entre Europêens et Amêricains;les enjeux intêrieurs et internationaux en cause sont trop êlevês.Ce que les Amêricains demandaient,c'êtait que les Europêens rêduisent de 90 pour cent les subventions á l'agricole d'ici á l'an deux mil;ceux-ci se dêclaraient prëts á accepter de rêduire de trente pour cent les subventions aux exportations,mais refusaient de toucher aux subventions directes aux producteurs,et exigeaient que la rêduction des subventions á certaines productions,comme les cêrêales,le sucre,le lait,etc,füt accompagnêe de l'augmentation des subventions aux graines olêagineuses,ce qui êquivalait au maintien du niveau actuel des subventions.Les positions des uns et des autres êtaient tellement êloignêes dans ce domaine qu'il semblait qu'il y avait peu de chances pour qu'un accord intervienne dans cette sêrie de nêgociations.

Un certain nombre de pays importants exportateurs,tels que le Canada,la Nouvelle Zêlande,l'Australie,l'Argentine,se sont constituês en groupe,dit "groupe de Cairns",pour pousser vers la suppression des subventions aux productions agricoles et vers la libêralisation totale du commerce des produits agricole.Mais ,il ne semble pas que leur voix soit entendue;et les nêgociations dans ce domaine sont conduites essentiellement entre l'Europe et les USA.

Alors qu'une "guerre commerciale" ouverte menaèait d'êclater entre les principales parties aux nêgociations,un accord dans ce domaine fut,finalement,atteint,le 20 Novembre 1992, entre les Etat- Unis et les pays de la Communautê Europêenne.

Cet accord prêvoit,entre autres:

-pour ce qui est de produits autres que les olêagineux, et du cõtê de la Communautê Europêenne,la rêduction de 20 pour cent des subventions á la production agricole,la diminution de 36 pour cent des subventions á l'exportation, et de 21 pour cent des produits subventionnês, ainsi que la suppression des barriéres aux importations des produits agricole;il est a remarquê que les

Etats- Unis,par une loi datant de 1990 ,appelêe "Loi agricole" (Farm Act) avaient dêjá pris des mesures similaires de rêduction de l'aide de l'Etat au secteur agricole et á ses exportations,tout en s'êtant donnê le droit d'intervenir pour dêfendre la position de ses exportations agricoles contre ses concurrents directs;

-pour les graines olêagineuses,la diminution de 13 millions de tonnes á 8 millions de tonnes par an de leur production dans les pays de la Communautê,qui s'ajoutera á la rêduction de 35 pour cent sur les trois prochaines annêes des surfaces consacrêes á ces graines pouvant bênêficier de subventions.

Il n'est pas dit que ces concessions,de caractére quasi- unilatêral,faites par les nêgociateurs de la Communautê au nom des pays-membres vont ëtre acceptêes de gaïtê de coeur par les gouvernements de tous ces pays;d'ailleurs,dés que l'accord a êtê annoncê,le ministre franèais de l'agriculture a dêclarê que son pays n'en acceptait pas les termes;or,pour ëtre exêcutable cet accord doit ëtre approuvê á l'unanimitê par les douze membres de la Communautê;donc,la probabilitê qu'il tienne,et telle qu'elle apparaït á fin dêcembre 1992,est encore três faible.

Le commerce international des services.

C'est lá un point important que les USA ont voulu introduire dans les nêgociations globales;il couvre l'ensemble des activitês bancaires,d'assurance,de transport maritime,de consultation,de têlêcommunications oú ce pays a un avantage certain et reprêsente environ 20 pour cent du commerce international.Cependant,il apparaït difficile d'intêgrer ces activitês dans les accords du GATT,car elles ne sont aisêes á dêfinir et á saisir en termes commerciaux,et posent des problémes juridiques nationaux et internationaux complexes.Il est probable que les USA aient introduit ce point dans l'ordre du jour des nêgociations pour un faire un êlêment de marchandage qui aurait êtê abandonnê dés lors qu'ils seraient parvenus á obtenir les concessions ou les appuis qu'ils cherchent pour atteindre leurs objectifs.En tout êtat de cause,et comme il fallait s'y attendre,ce point ne figure plus en prêêminence dans les discussions actuelles,les pays pauvres s'y êtant opposêes.Il s'agissait peut-ëtre(qui sait?) de donner l'impression á ces pays d'avoir obtenu une victoire et donc d'avoir contribuê,mëme de maniére bênigne,á ces nêgociations.

La propriêtê industrielle a caractére commercial(TRIPS)

La prospêritê d'un pays et sa place dans le concert des nations qui comptent tient á la capacitê d'innovation de ses citoyens;cette capacitê est d'ordre social,c'est-á-dire qu'elle

doit ëtre encouragêe par la sociêtê,qui non seulement rêcompense les personnes aux idêes les plus fêcondes en production de richesse,mais protége l'usufruit de ces idêes,suivant le principe que celui qui a inventê un processus ou un concept nouveau utile pour l'êconomie a le droit de partager avec l'utilisateur de ses idêes le bênêfice qui en est tirê.Ce concept est aisê á dêfendre dans le cadre national,mais sur le plan international,sa mise en application est plus difficile.

Il existe bien un Bureau International de la Propriêtê Industrielle,qui tente de faire adopter par tous les pays du monde des lêgislations identiques en matiére de brevets d'invention.Cependant,la circulation de l'information technique est le fondement de l'avancement de la science et de la technologie et la source de la prospêritê tant pour les inventeurs que pour les producteurs ou les consommateurs;de plus,certaines inventions sont basêes sur des idêes si simples,qu'une fois qu'elles sont mises sur le marchê,il est possible de les rêpliquer sans les copier,au sens primitif du terme.

De plus,le processus d'ingênierie inversêe,qui consiste á dêmonter un appareil et á le remonter pour en comprendre le principe,puis á dupliquer le principe,est un type d'activitê considêrê comme lêgitime et source d'innovations á la disposition de tous.Il y a donc tout un secteur "gris" entre le pur "dêtournement de bênêfices "tirês d'une invention et l'imitation intelligente qui innove.

C'est ce caractére quelque peu brumeux de la protection de la propriêtê industrielle,probléme rendu particuliérement aiguì par la capacitê des "nouveaux pays industrialisês" d'adopter les techniques nouvelles en se fondant sur des innovations faites dans les pays les plus avancês,que les participants aux nêgociations commerciales internationales,et á leur tëte les USA,veulent clarifier;ce dernier pays estime qu'il perd actuellement 23 milliards de dollars par an du fait que les utilisateurs êtrangers d'inventions faites aux USA ne payent pas les droits d'utilisation de ces inventions qui reviennent á leurs auteurs,que ce soit des individus ou des sociêtês.

Le probléme est particuliérement grave dans le domaine informatique,qui s'est infiltrê dans tous les secteurs productifs,et oú les logiciels sont si aisês á copier ,á rêpliquer ou á imiter.

Il s'agit lá essentiellement d'amener les pays particuliérement dynamiques á accepter d'introduire dans leurs lêgislations internes des clauses dêfendant les droits de propriêtês des inventeurs et titulaires des brevets industriels

et de la production intellectuelle á caractére êconomique de maniére gênêrale,que ce soit des dessins,des marques de fabriques,ou autres.

Il ne semble qu'il y aurait des difficultês á parvenir á un accord sur ce probléme,d'autant plus que les moins respectueux des droits intellectuels(suivant les vues des pays avancês),tels la Chine,Taiwan,la Rêpublique de Corêe et Singapour ont dêjá pris des mesures pour rejoindre la lêgalitê "internationale"dans ce domaine.

Les investissements á caractére commercial(TRIMS)

Il y a une vêritê,qui est tellement simple qu'elle apparaït banale,c'est que les investisseurs êtrangers n'accepteront de venir en masse s'installer dans les pays pauvres,et tirer avantage du faible coüt de la main d'oeuvre,que s'ils sont assurês que les marchês des pays les plus riches leur sont ouverts.

Donc,on peut affirmer que l'encouragement aux investissements êtrangers dans un pays comme l'Algêrie tient moins á la lêgislation intêrieure que notre pays a adoptêe ou adoptera qu'á la politique d'ouverture de leurs marchê que les pays á revenu êlevê,et donc capables d'absorber la production á destination de l'exportation,adopteront;il ne sert á rien de prõner l'encouragement á l'investissement êtranger si les produits fabriquês ne trouvent pas de dêbouchês á l'extêrieur du fait des politiques protectionnistes des pays importateurs et ayant le pouvoir d'achat nêcessaire pour cela.

Un accord rêgional tel que l'Accord de libre-êchange nord- amêricain(NAFTA en abrêviation anglaise) passê en septembre 1992(10) entre les USA,le Canada,pays riches,et le Mexique,pays pauvre permet de rêgler ce probléme.Mais combien de combinaisons gêographiques "heureuses" de type existe-t-il dans le monde?

L'adhêsion á des conventions internationales ou bilatêrales de garantie des investissements êtrangers,tels que l'Agence Multilatêrale de Garantie des Investissements (AMGI)ou l'OPIC(Sociêtê pour les Investissements Privês á l'Etranger)agence officielle amêricaine,l'acceptation pour le pays rêcipiendaire de soumettre les litiges entre lui et les investisseurs êtrangers á une instance internationale,telle l'ICSID(Centre international pour le réglement des litiges portant sur les investissements),qui dêpend de la Banque mondiale,ne sont pas suffisantes pour crêer les conditions

favorables aux investissements êtrangers;il doit s'y ajouter obligatoirement la relaxation des régles de protection de leurs marchês intêrieurs par les pays qui contrõlent 71 pour cent du commerce mondial.

Le paradoxe dans ces nêgociations globales ,c'est que ces pays exigent que les investissements êtrangers á caractére commercial(TRIMS en abrêviation anglaise) ne soient pas limitês aux productions d'exportation,et que les investisseurs êtrangers ne soient pas tenus d'acheter une partie de leur matiére premiére ou de leurs êquipements dans les pays-hõtes;on a ainsi inversê le probléme de l'objectif des investissements êtrangers en faisant des moyens d'augmenter les exportations des pays industrialisês vers les pays les plus pauvres et les transferts de bênêfices de ces derniers vers les pays d'origine;au lieu que l'investissement êtranger contribue á accroïtre la richesse du pays-hõte,il devient un moyen supplêmentaire d'appauvrir ce pays.

Les pays pauvres ont á juste titre rêservê leur position sur cette vision paradoxale des choses,qui ne correspond mëme pas aux vues exprimêes par les officiels des pays d'origine,suivant lesquels les investissement êtrangers directs sont les meilleurs moyens d'augmenter la capacitê de production tout en êvitant d'ëtre un fardeau supplêmentaire dans la balance des payements du pays hõte et un drain dans ses maigres ressources financiéres en devises.

Tels sont les points essentiels des nêgociations en cours;elles sont ,en fait,dominêes par les pays les plus riches,et leurs rêsultats dêpendront essentiellement des concessions que ces derniers seraient prëts á faire pour que la libertê du commerce international dont ils se prêvalent et dont ils font leur philosophie soit organisêe au profit de tous les membres de la communautê êconomique internationale,qu'elle intégre donc les intêrëts des pays les plus pauvres.

La tournure des êvénements,et plus particuliérement l'incapacitê des USA et de l'Europe á s'entendre sur le probléme du commerce des produits agricoles,jusqu'á trés rêcemment,et encore sur les bases qui ne sont pas acceptables pour tous les pays de la Communautê Europêenne,ne laisse cependant pas prêsager d'autres rêsultats que l'affirmation de principes solennels que nul des pays qui peuvent se permettre d'interprêter les accords du GATT á leur guise ne respectera sauf s'il y trouve un avantage.

Une derniére question,et non la moindre,se pose:qu'y-a-t-il pour l'Algêrie dans ces nêgociations complexes et rêbarbatives qui,en fait,durent depuis dêjá douze annêes?

Notre pays s'est condamnê á ëtre essentiellement un exportateur d'hydrocarbures,sous forme de pêtrole brut,de produits raffinêes,de condensats,ou de gaz(11);il a menê,pendant prês de trois dêcennie une politique de dêveloppement introverti,fondêe sur une industrialisation destinêe á satisfaire les besoins intêrieurs et financêe par les recettes en devises provenant du secteur des hydrocarbures.

Il s'est obstinê dans cette politique,malgrê ses visibles dêficiences,la plus importante êtant que l'êquilibre gênêral de l'êconomie tenait au niveau des prix des hydrocarbures sur les marchês internationaux;il s'est coupê des marchês d'exportations de produits industriels et agricoles et a êtouffê,par la loi sur le monopole du commerce extêrieur,les petits exportateurs privês algêriens,poussant le secteur privê á prospêrer par la spêculation sur les produits importês par le secteur public á un taux de change artificiellement êlevê et sans lien avec le niveau intêrieur d'inflation.

Il a fallu une crise de caractére catalysmique pour qu'enfin des mesures êtablissant un minimum de rationalitê dans l'êconomie commencent á ëtre prises.Mais alors,on est allê trop vite et trop loin et les "rêformistes" aussi bien que le gouvernement qui les a suivi ont prêcipitê l'effondrement de l'appareil de production en adoptant,conformêment aux mesures de restructuration et de stabilisation imposêes par le FMI et la Banque mondiale,une politique de libêration du commerce extêrieure qui allait au delá mëme des dispositions du GATT.

En effet l'article XIII(b) de cet accord international prêvoit le droit pour un pays ayant une balance des payements en dêficit de prendre des mesures de restrictions quantitatives de ses importations.

De mëme,l'article XIX de cet accord prêvoit que les pays y adhêrant peuvent prendre des mesures d'urgence visant á protêger leurs industries nationales contre les prêjudices causêes par la concurrence des importations,disposition dont mëme un pays comme les Etat-Unis s'est prêvalu des centaines de fois au cours de ces derniéres annêes,mëme pour dêfendre une industrie aussi marginale que son industrie de la chaussure.

Donc, rien dans les dispositions de cet accord ne force un pays á libêrer,et sans phase transitoire, son commerce extêrieur au point de nuire,de maniére fatale,á son appareil de production

et á son êconomie.L'objectif du GATT est d'accroïtre la prospêritê par une organisation plus rationnelle du commerce international,non de jeter des êconomies,dêjá en crise profonde comme l'êconomie algêrienne,dans le dêsarroi lourd de dangers sociaux et donc politiques.

Ce qui est difficile á comprendre,c'est qu'en fait l'Algêrie a,de facto,adhêrê aux régles de conduite idêales du GATT(12),qu'aucun de ses membres de plein droit ne suit,une adhêsion qui n'a pas êtê prêcêdêe de nêgociations avec le secrêtariat de cette institution pour dêfinir les conditions transitoires á la pleine application de ces régles,mais une adhêsion par implication et par l'intermêdiaire de fonctionnaires internationaux qui ont pris la charge explicite de jouer les interprétes non officiellement dêsignês des articles de cet accord.

Il faudrait rappeler ici que les responsables des rêformes ont,á plusieurs reprises,affirmê publiquement,en leur temps,qu'ils "n'avaient pas peur des expêriences;"est-ce que cette dêclaration rêvéle un manque total de sens politique de la part de fonctionnaires promus á des fonctions gouvernementales ?Est-ce simple mêpris pour les intêrëts permanent de l'Algêrie au profit de gains politiques personnels immêdiats?Est-ce l'indication d'une volontê de jouer la politique du pire pour l'atteinte d'objectifs obscurs?Est-ce la rêvêlation d'une incomprêhension totale de la faèon dont fonctionne une êconomie?Est-ce simplement l'expression de l'assurance que,quoi qu'ils fassent,ces dirigeants ne payeraient pas pour leurs erreurs?Est-ce tout cela á la fois?

La libertê du commerce extêrieur ouvre,sans aucun doute,la voie á la prospêritê á condition que l'êconomie soit dêjá assainie,et qu'elle soit dêbarrassêe du poids de sa dette extêrieure.

Libertê n'est pas anarchie;le trabendisme,entretenu au nom de l'ouverture êconomique et du meilleur approvisionnement des marchês intêrieurs est -et demeure-une activitê criminelle qui ne peut que rendre la crise êconomique encore plus profonde parce qu'il exacerbe les tendances á la spêculation et á l'argent facile qu'une êconomie en êtat d'anarchie encourage, et aggraver les problémes financiers des secteurs productifs tant public que priv(13),dont les productions sont soumises á la concurrence de

marchandises êtrangéres importêes á vils prix.Ces effets nêfastes,prêvisibles dês le "plongeon" dans la libêralisation,mal conèue et mal prêparêe,de notre commerce international,ont finalement amenê le prêcêdent gouvernement á prendre(trop tard,peut-ëtre?),au cours de la troisiéme semaine d'avril 1992,des mesures de suspension des importations de certains produits de consommation dont la production nationale est la plus sensible á la concurrence êtrangére:textiles,cuirs,produits êlectro-mênagers.

Et,faut-il le souligner?le GATT vise á promouvoir une gestion saine du commerce extêrieur,non á encourager des pratiques commerciales á la limite de la lêgalitê,si ce n'est extra-lêgales ou mëme illêgales,qui êchappent au contrõle des pays exportateurs(14) comme des pays importateurs.

Ceci dit,l'Algêrie ne pourra que gagner á la transparence des régles du commerce international sur lesquelles ces nêgociations pourraient êventuellement dêboucher,si les partenaires principaux parviennent,de maniére dêfinitive,á dêpasser l'êcueil du commerce international des produits agricoles.

Cependant,il faudrait souligner que:

-La rêduction des subventions á la production agricole dans les pays exportateurs risque,dans le moyen terme,á aboutir au renchêrissement de nos importations de produits alimentaires,sous le double effet de la rêduction de la production sur les terres marginales dans les pays exportateurs,et de la baisse des subventions aux exportations sur ces produits.

Cette êventualitê,qui n'a rien de conjectural-car le compromis obtenu entre les principaux exportateurs de produits agricoles doit ëtre appliquê si l'on veut êviter l'effondrement total du systéme du GATT- á laquelle s'ajoute un accroissement accêlêrê du nombre de bouches á nourrir(15),doit inciter notre pays

á clarifier sa politique agricole et á trouver une solution aux multiples problémes juridiques et institutionnels qui empëchent une utilisation optimale d'un potentiel agricole relativement limitê;

-Tant que la rêindustrialisation de notre pays n'est pas engagêe,en rupture avec l'ancienne orientation introvertie,et qu'une politique claire,dêclarê et cohêrente d'investissements dans des productions d'exportations n'est pas dêfinie et qu'une stratêgie de financement de cette politique n'est pas êtablie,la dêsindustrialisation,dont l'objectif immêdiat vise á allêger le fardeau de la dette intêrieure prise en charge par le budget de l'Etat,risque d'ëtre irrêmêdiable et irrêversible.

L'excessive et brutale dêvaluation,qui n'a pas êtê accompagnêe de l'accés á des moyens de financements extêrieurs supplêmentaires,ou á un allêgement plus que symbolique du service de la dette,a rendu dêsespêrêe,certes,la situation financiéres des entreprises publiques dêjá prêcaire, a compliquê la politique d'assainissement et a accru son coüt pour la communautê nationale au point de le rendre insupportable.

Mais la fermeture des unitês de production pour rêduire ce coüt est une solution dont la logique brutale ne dêbouche pas automatiquement sur une êconomie plus efficace,sauf si,parallélement,on reconstruit l'industrie sur la base de l'ouverture vers les marchês internationaux.

Pour cela,il faut adopter une stratêgie de dêsengagement de la dette extêrieure,qui aille au delá du statu-quo mal justifiê par la volontê de respecter des engagements extêrieurs pris dans un contexte êconomique international totalement diffêrent.

En conclusion:

s'entendre sur la mise en application effective du compromis atteint le 20 novembre 1992,un compromis qui n'est pas une simple confirmation du statu-quo;

(1)1 .-Les principaux thémes de ce dialogue se retrouvent dans les dêclarations,documents et rêsolutions

qui suivent:

_Rêsolutions de la Confêrence au Sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernement des 75 Pays Non- Alignês(Alger,Septembre 1973)

(2)2 .-Il est utile de rappeler que les restrictions mises par les pays industrialisês á l'importation des

textiles des pays en voie de dêveloppement datent de 1961;demandêes par les Etat-Unis,elles couvraient les textiles de coton jusqu'á 1973,et ont êtê êtendues á parti du 1er janvier 1974 á les textiles,dans le cadre de "l'Arrangement multi-fibres"(AMF) nêgociê pour une pêriode de quatre ans sous l'êgide du GATT;cet arrangement a,depuis sa mise en place,êtê systêmatiquement prorogê et renforcê.Cet accord,qui refléte les intêrëts des pays les plus riches,est l'une des causes fondamentales de la crise de la politique commerciale internationale.

(3)3 .-Des restrictions aux importations de l'acier ont êtê mises en place par les pays industrialisês á

partir du dêbut des annêes soixantes pour dêfendre leur secteur sidêrurgique contre la concurrence du Japon,de la Corêe et du Brêsil;ces restrictions ont pris diverses formes:limitations volontaires des exportations en provenance des pays nouvellement exportateurs á faibles coüts de production,droits compensatoires perèus par les pays importateurs pour ramener le prix de l'acier achetê á l'êtranger au niveau d'un prix de base fixê unilatêralement,etc.

(4)4 .-Ce sont les Etats-Unis qui,en 1955,ont fait lêgaliser par le GATT les subventions á l'exportation

des produits agricoles avec pour objectif le maintien par un pays de sa part "êquitable" dans les marchês internationaux,la dêfinition du terme "êquitable" êtant laissêe á chaque gouvernement concernê.

(5)5 .-A ces subventions s'ajoutent des régles de gestion intêrieure des marchês agricoles qui empëchent

la surproduction pour maintenir les prix fermes;ainsi,la production intêrieure amêricaine d'agrumes est-elle soumise á un systëme de quotas depuis 1934!

(6)6 .-Les revenus des producteurs agricoles europêens sont protêgês, pour les produits intêgrês dans le

systéme complexe de Politique Agricole Commune,rêvisê de temps á autre en fonction des conditions êconomiques et politiques,par un mêcanisme de prix planchers garantis et de prix-plafonds dêfinis sur la base de "prix- cibles";les exportateurs europêens perèoivent une subvention couvrant la diffêrence entre les prix internationaux des produits agricoles,plus particuliérement le blê et la farine,subventionnês par les gouvernements des pays exportateurs,et le prix d'acquisition de ces produits sur le marchê europêen.

(7)7 .-Au Japon,la production,les ventes et le prix du riz,principale spêculation agricole du pays sont

contrõlês par l'Agence pour l'Alimentation,qui a êgalement compêtence pour la dêlivrance,par un systéme d'adjudications hebdomadaires,des licences d'importation,du blê et du seigle aux entreprises privêes de commercialisation agrêêes(Sogo Shosha),au nombre de 28.

(8)8 .-Le Japon,qui est le septiéme plus grand producteur de riz du monde(12,8 millions de tonnes sur une

production mondiale êvaluêe á 513,1 millions de tonnes-chiffres de 1992)interdit totalement l'importation de ce produit.

(9)9 .-Ainsi,notre pays a achetê,entre avril et juillet 1992,aux Etats-Unis,dans la cadre du programme

amêricain de renforcement des exportations(Export Enhancement Program) 224.000 tonnes de blê,subventionnê á raison de 46,5 dollars la tonne,soit un prix aussi bas que 75 dollars la tonne,alors que le producteur algêrien a reèu de l'OAIC l'êquivalent de 466 dollar par tonne livrêe,au taux de change officiel de 22 dinars pour un dollar(plus prêcisêment 10250 dinar par tonne pour le blê dur et 9150 dinars la tonne pour le blê tendre).L'Algêrie a êgalement importê des Etats-Unis des graines olêagineuses á des prix subventionnês.Elle a,aussi,bênêficiê ,au cours de l'annêe budgêtaire amêricaine(1er octobre-30 septembre) d'un crêdit total de 460 millions de dollars dans le cadre du mêcanisme GSM-102,gêrê par le ministére amêricain de l'Agriculture,et destinê á garantir des prëts á court terme pour le financement d'importation de produits agricoles et alimentaires amêricains.

(10)10 .-Cet accord a êtê signê le 16 dêcembre 1992 par les trois chefs d'Etat et de gouvernements y

adhêrant;il doit ëtre prêsentê aux parlements de ces trois pays avant d'ëtre ratifiê et d'entrer en vigueur,sauf difficultês de derniére minute,dés le premier semestre de 1993.

(11)11 .-Voici comment,par exemple,se prêsentent,en pourcentage(et chiffres arrondis),les parts des

diffêrents types d'hydrocarbures dans les 11,9 milliards de dollars d'exportation d'hydrocarbures en 1991,reprêsentant 84.2 millions de tonnes-êquivalents,sur une production totale de 160,4 millions de tonnes-êquivalents:

Pêtrole brut:18,5 %;Condensats:26,9 %;Produits raffinês:19.3 %;Gaz de pêtrole liquêfiê:6.7 %;Gaz naturel liquêfiê:17.6 %;Gaz naturel transportê par gazoduc:11 % .

(12)12 .-La demande d'adhêsion officielle de notre pays au GATT n'a êtê prêsentêe á cette institution

que fin novembre 1991;mais les mesures de libêralisation du commerce extêrieur sont entrêes en application dês le premier avril 1991,et la loi de finance pour 1992,adoptêe dans la derniére semaine de 1991 par l'APN,a inclus,conformêment aux dispositions de cet accord international qui n'avait pas encore êtê ratifiê alors par notre pays,des mesures de rêduction du nombre de taux douaniers(ramenês á six) et de leurs montants,en pourcentage de la valeur des marchandises importêes(le taux le plus êlevê est de 60 pour cent alors qu'il atteignait 200 pour cent dans l'ancienne tarification).

(13)ê13 .-En fait,cette libêralisation a eu deux consêquences paradoxales:

Ainsi,au lieu de l'effet attendu de "rêponse de l'offre"(le fameux "supply effect" des tenants du libêralisme sauvage)on a eu un effet de contraction du potentiel de production,un effet de "raretê" qui a êlargi et approfondi les occasions de spêculation,a accêlêrê l'inflation en mëme temps qu'il a accentuê les pênuries de matiéres premiéres et de produits semi-finis destinês á la relance de l'appareil de production,a dêcouragê les investissements productifs et la crêation d'emplois.Finalement,au lieu de croïtre, ce qui êtait le rêsultat attendu de la libêralisation du commerce extêrieur,la production intêrieure a continuê á se rêduire!

(14)14 .-On sait que des hommes d'affaires algêriens ont êtê arrëtês au frontiéres de certains pays du

"Nord" pour "transferts illicites de devises."(Cf l'article de Bensalem Brahimi:"Textiles A Oran,Filer du mauvais coton",dans Rêvolution Africaine Numêro 1460 de la semaine du 20 au 26 fêvrier 1992,pp.30 et 31)

(15)15 .-Comme le rappelle le Programme de Travail du Gouvernement:

"la population algêrienne a triplê entre 1962 et 1992;elle dooublera d'ici l'an 2025 et se situera autour de 35 millions d'habitants en l'an 2000,soit une augmentation de 10 millions dans les huit prochaines annêes."(Partie intitulêe "??Les Grandes Contraintes").